Pour jouir à fond de leur intimité et échapper au joug des belles-mères : Les jeunes couples préfèrent les appartements à la maison familiale

Dans la plupart des immeubles de Dakar, un appartement sur trois est occupé par un jeune couple. Les mentalités ayant beaucoup évolué, les nouveaux mariés ont dorénavant tendance à s’isoler dans leurs appartements. Le fait d’éviter les problèmes avec la belle-famille joue un rôle considérable dans ces nouveaux choix de vie qui ne cadrent plus avec les maisons familiales.

On est loin de l’époque où les jeunes mariés vivaient avec leurs parents. Désir d’intimité ou crainte des belles-mères, les raisons divergent. Cependant, et de plus en plus, les jeunes couples préfèrent de loin avoir leur petit chez soi, plutôt que de partager la grande demeure familiale. Le phénomène a pris des proportions telles de nos jours que dans divers immeubles de la capitale, un appartement sur trois est occupé par un jeune couple.

C’est dans un des immeubles de Sacré-Cœur que vit le couple Sarr avec ses 3 enfants. Seule avec sa petite dernière, tandis que son époux est au boulot, Mme Sarr nous confie qu’ils ont fait ce choix depuis le début. «Les parents de mon mari n’habitent pas à Dakar. Et je ne pouvais pas rester vivre avec eux tandis que mon époux travaille à Dakar», explique la jeune dame qui avoue que pour éviter d’avoir des problèmes à n'en plus finir avec ses beaux-parents, elle préfère vivre dans son appartement, loin de ces derniers.

«Plus on est loin des belles-mères, mieux on se porte»

La raison qu’avance cette jeune femme est la cause la plus évoquée pour justifier ce phénomène en vogue dans notre société. Les femmes, pour une logique ou une autre, n’envisagent plus de vivre avec leurs belles mères, comme l’atteste cette jeune mariée trouvée au marché Castors. «Les belles-mères sont vraiment insupportables. En général, elles sont la cause de la plupart des divorces. Ce sont les premières rivales des jeunes mariées à qui elles rendent la vie vraiment impossible», dit-elle. La vingtaine, elle révèle qu’aujourd’hui, elle n’a pas plus peur d’avoir une rivale. Car, elle a déjà vécu l’expérience avec sa belle-mère avant de trouver un appartement avec son mari.

Soda Gaye, trouvée en plein travail dans son salon à Liberté 6, partage largement cet avis. «Les belles-mères sont de vrais boulets. Quand j’habitais avec la mienne, elle me considérait comme sa rivale. Elle contrôlait mes moindres faits et gestes. La vipère, elle m’enviait et à chaque fois que j’achetais quelque chose, elle pensait que cela venait de la poche de son fils, alors que je me casse le dos à travailler toute la journée dans ce salon», s’insurge-t-elle.

Cette coiffeuse qui a convolé en justes noces, il y a peu, pousse l’ironie jusqu’à traiter sa belle-mère de «sorcière». «Elle me maraboutait et passait son temps à dire du mal de moi. Alors, pour éviter sa mauvaise langue et ses mauvaises intentions, j’ai sommé mon mari de me trouver mon petit chez moi. Car plus on est loin des belles-mères, mieux on se porte», indique-t-elle. Convaincue des effets bénéfiques de ce changement, elle martèle : «Actuellement, nous vivons très bien seuls tous les deux, en attendant d’avoir notre premier enfant».

Le bien-être des enfants, autre argument

Par ailleurs, le souci d’offrir un cadre agréable à leurs enfants et de les éduquer dans de meilleures conditions pousse certains couples à quitter la maison familiale qui est souvent surpeuplée. C’est le cas de Mme Ndiaye qui, après 14 ans de mariage, reconnaît qu’elle avait fait un excellent choix en louant un appartement avec son époux. «Je sais ce qui se passe dans la maison de ses parents, ses frères y sont avec leurs femmes et leurs enfants. Et je ne voulais pas que mon enfant s’entasse avec les autres dans une petite chambre», nous apprend-t-elle.

La dame évoque aussi un autre aspect qui pousse les jeunes mariés à s’isoler : «Je voulais être plus à l’aise dans mon foyer pour pouvoir mieux gérer mon mari. En plus, chez ma belle-mère, c’est elle la maîtresse et moi je veux être maîtresse dans ma propre maison».

Le désir de se retrouver seuls

D’un autre côté, il y a les adeptes de l’intimité, ceux qui veulent être seuls entre douces moitiés afin de mieux connaître l’autre et donner aussi libre cours à leurs fantasmes. Il y a aussi ces jeunes mariées qui veulent montrer toutes leurs connaissances dans l’art de gérer leurs ménages et leurs maris, à l’abri des regards et du jugement des beaux-parents.

Ousmane Seck est un jeune homme à la fleur de l’âge, fraîchement marié. Il déclare qu’il se sent toujours en lune de miel, même s’il n’est pas parti en voyage avec l’élue de son coeur. Mais il voulait passer ces premiers mois dans l’intimité et c’était impossible dans la demeure familiale. D’où sa décision de se trouver un appartement, plus d’intimité. «Juste après le mariage, ma femme est venue vivre chez mes parents. Cependant, nous ne pouvions pas faire tout ce qu’on avait envie de faire devant mes parents. Vous savez comment sont les jeunes mariés au début, on avait envie de s’embrasser tout le temps et de se faire des câlins. Ce qui était impensable devant mes parents», nous livre-t-il.

Avec un sourire coquin, il poursuit son témoignage en confiant : «Depuis que nous vivons seuls dans notre appartement, loin de la famille, nous avons envie de faire tout ce qui nous passe par la tête. Et nous faisons l’amour à chaque fois que nous en ressentons l’envie sans nous soucier de l’heure ni de l’endroit puisque nous vivons seuls».

Mais le plus souvent, ce sont les jeunes filles qui forcent leurs maris à leur trouver un appartement. Parfois, cela fait même partie du contrat de mariage. Les filles disent agir ainsi par désir de gérer leurs ménages sans l’avis de quiconque et aussi pour déployer tous leurs charmes afin rendre leurs époux fou d’amour. Aïcha Diallo loge dans un studio à Dieuppeul. Elle renseigne : «J’ai toujours rêvé de vivre seul avec mon homme. Car un homme, il faut bien s’occuper de lui pour éviter qu’il aille voir ailleurs. Je porte ce que je veux chez moi, des minijupes, des shorts, des habits que je n’oserais jamais porter devant mes beaux-parents par respect pour eux». Elle raconte aussi que pour entretenir la flamme, elle invente plein de choses qu’elle ne peut faire que dans l’intimité de son appartement, loin des regards et oreilles indiscrètes de la famille.

Les avis divergent chez les parents

Les parents ne sont pas souvent d’accord avec leurs fils et leurs belles-filles qui quittent la maison familiale pour aller s’installer ailleurs, dans des appartements. Certains, sans être d’accord, arrivent à s’y faire, tandis que d’autres estiment que c’est un excellent choix. Les vieilles dames sont les plus enthousiastes quand il s’agit d’avoir leurs belles-filles à leurs côtés. Marème Ndiaye est mère de 3 enfants, elle a un fils divorcé qui est revenu vivre avec elle. La vieille dame comprend le besoin qu’ont les jeunes mariés de se retrouver seuls, bien qu’elle aurait préféré que son fils et sa belle-fille restent vivre avec elle.

«Avant de se séparer de sa femme, mon fils était allé vivre avec elle dans un appartement. Pourtant, j’aurais aimé qu’ils restent ici. Mais il me disait qu’il y avait trop de personnes dans la maison», explique Mère Ndiaye. Cette dame, qui affirme que dans sa jeunesse, les jeunes filles étaient obligées de vivre chez leurs beaux-parents, nous éclaire sur la justesse de son opinion. «S’ils étaient restés dans la maison familiale, je me serais occupée de ma bru comme si elle était ma propre enfant. De cette manière, elle se serait habituée plus facilement à sa nouvelle situation et par la suite, quand ils auront plusieurs enfants, là seulement ils pourront déménager», ajoute-elle.

Ndèye Faye, mère de famille et vendeuse au marché Castors, est catégorique sur la question. «Les hommes ont l’obligation de laisser leur épouse vivre avec leurs belles-mères. Car nous nous sommes longtemps occupées d’eux, alors arrivés à un certain âge, ils doivent nous décharger en prenant une épouse qui s’occupe de la maison et de leur maman», clame-t-elle. D’un âge assez avancé, elle nous raconte que son fils a fait selon ses désirs et que lui et sa femme habitent avec elle. «Ma belle-fille fait le ménage pour moi, elle lave mon linge et prépare les repas. Je trouve cela normal puisqu’on m’a éduquée ainsi et j’en faisais autant pour ma belle-famille», défend-t-elle.

D’aucuns sont d’avis que migrer dans son propre univers, loin de la famille, est une bonne idée puisque cela contribue à responsabiliser l’homme, du moment qu’il a commencé à voler de ses propres ailes. C’est le cas de Amadou Faye, rencontré alors qu’il faisait les courses en compagnie de sa femme. «Tout dépend de la personne. Mon fils peut bien aller vivre seul avec sa femme, s’il veut faire sa propre expérience du mariage qui est un apprentissage de la vie», certifie M. Faye, la cinquantaine.


source : Le Populaire