"Nous ne sommes plus d`accord sur rien"

Cela fait huit ans que je me demande tous les jours: je m’en vais? Je reste? Est-ce que l’amour est mort? Mais qu’est-ce que c’est l’amour? Et à quoi ça ressemble au bout de vingt-deux ans?

Au quotidien, Vincent et moi, on ne se supporte plus. Que ce soit pour choisir la couleur de la moquette ou pour organiser un week-end, nous ne sommes plus d’accord sur rien. Lui est devenu râleur, moi je suis de plus en plus dure, susceptible, acariâtre... Mais dès que j’envisage la séparation, c’est comme si j’allais me désintégrer sur place. Aussitôt, une autre partie de moi me cloue le bec et me cloue au sol. Soit c’est la déprime pour trois jours, soit je me trouve mille bonnes raisons de rester: notre fille, à qui je me sens incapable d’imposer cette douleur-là, que je connais pour l’avoir subie... (Sourire.) Ensuite, l’argent: j’ai l’impression que si je quitte la maison, je vais devenir SDF – alors que, depuis des mois, c’est moi qui fais vivre la petite famille... Et puis l’argument essentiel: est-ce que le problème vient vraiment de nous ou plutôt de moi?

Tout remonte, en fait, à un grand coup de cœur qui m’a embarquée, il y a huit ans, pour me débarquer quelques mois plus tard, écorchée vive. Face à Vincent. Le problème entre nous était sans doute antérieur, mais c’est là que tout a explosé. Et je n’ai pas réussi à recoller les morceaux. Je ne sais plus, depuis, ce que j’attends de l’amour. Tout ce que je reproche à Vincent – d’être trop stable, trop plan-plan, maniaque... –, c’est aussi ce qui me rassure. Le fait de le connaître par cœur, de le prévoir, nos petites habitudes, nos rituels... C’est tout ce qui m’étouffe, et ce sont mes repères. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’inconnu, de découverte... Je ne crois pas être prête pour ça.

Parfois, je me dis que notre lien est très fort, que c’est juste le moment de l’histoire où l’on rechoisit l’autre, entre adultes. A d’autres moments, je trouve que l’on est en plein compromis, que l’on ne veut pas voir que c’est fini, et que je reste juste parce que j’ai la trouille, que j’attends d’avoir fait mon deuil de l’histoire pour partir. Peut-être aussi que celui que je n’arrive pas à quitter n’existe plus, peut-être même qu’il n’a jamais existé... J’en ai marre aussi de toutes ces questions qui cassent la spontanéité des choses. Pendant plus de dix ans, tout était si simple... Je culpabilise en permanence de "couper les cheveux en quatre", j’ai l’impression de gâcher la vie de tout le monde. Et dès que je sens Vincent fragilisé, je craque. Je ne peux pas ne pas le soutenir. C’est de l’ordre du réflexe... C’est dingue, des liens pareils!

«J’ai commencé une psychanalyse (sourire), en attendant un petit coup de main de la vie. J’ai envie d’un autre enfant, peut-être que la renaissance viendra de là. Pourquoi pas avec Vincent..."

 

 

Source : autre presse

Photo d’illustration