Doumbia Ahoua épse Kouyaté /créatrice de mode:``les hommes veulent des femmes qui se battent``

Doumbia Ahoua épouse Kouyaté  est Cadre de banque. À cela s’ajoute son rêve d'enfance, principalement celui de créatrice de mode. Depuis un moment ses créations inondent la toile. Pour en savoir un peu plus sur cette dame battante, afriquefemme.com est allée à sa rencontre.

 

 Depuis quand faites-vous ce métier ? Comment avez-vous été saisie par la vocation ?

Vous m’offrez, là,  l'opportunité d’ouvrir une page de mon enfance et de ma jeunesse. Mais avant, pour répondre précisément à votre question, cela fait juste un an que je suis propriétaire d’un atelier de couture. Comment est-ce possible? Serez vous tentée de me le demander. Et bien, mon attitude, mon comportement et mes jeux étaient focalisés sur l’habillement. C'était mon dada, mon passe temps. Déjà, étant enfant, j'avais un réel penchant pour le ravaudage des tissus (Rires). Et je vous dis que jamais je ne me faisais prier pour vêtir mes petites sœurs tellement  j'étais obnubilée par la mode. Mon temps, ainsi, était consacré à rassembler des morceaux de pagnes en faisant le tour des couturiers. Avec ces bouts de pagnes collectés, je créais de petits modèles. De l’adolescence à l'âge adulte, j’imaginais et je matérialisais mes modèles par le biais de dessins.  J'envoyais ces dessins chez des couturiers à Adjamé pour les réaliser. Ces habits confectionnés, évidemment, étaient vendus. 

Nous voudrions bien qu’il vous plaise de nous instruire sur vos débuts dans la mode

Vous êtes sans savoir que tout début est difficile. Pour qui veut aller loin ménage sa monture, dit l’adage. Les nombreuses questions et les appréhensions du début m’ont engorgées et m’ont troublé le sommeil. J'ai commencé en catimini avec 3 machines dans un studio. Mon voeu, bon nan malan, était d’essayer en observant la tendance et les avis. Les retours étaient vraiment satisfaisants vu que  les commentaires de mes modèles, très appréciés sur Facebook au point où certaines voulaient les reproduire, me forgeaient un mental  de conquérante au fil du temps. Je me tissais alors un réseau de clients en communiquant mon numéro aux clientes. Ces dames, fascinées par mes oeuvres, m’envoyaient leurs pagnes. Nous venions ainsi de semer la graine du succès sur laquelle nous avons veillé avec patience, abnégation et foi en l’avenir. Et nous avons commencé les confections en créant le site ‘’ FATYAS, l’élégance africaine’’. Ce site devenu la vitrine et mon porte étendard,  2 mois avant, m'a permis de publier mes propres modèles. Les choses sont allées crescendo lorsque, le lancement fait et les  photos publiés sur Facebook, nous avons annoncé l’ouverture de la boutique. La semaine suivante, en effet, nous étions débordés. Il y avait donc urgence puisqu’avec 3 couturiers on ne pouvait plus promptement honorer les rendez-vous. J’ai acheté deux autres machines. Le problème n'était, malgré tout, pas résolu, il y avait encore insuffisance et il était difficile de vite finir les commandes. C’est ainsi que trois mois après j’ai pris la résolution  d’ouvrir un atelier plus grand et spacieux avec 14 machines à coudre. C’est toujours l’engouement. 

Vous faites un métier qui nécessite un renouveau constant. Quelles sont vos sources d’inspirations ?

Lorsque quelque chose vous colle à la peau, qu’elle vous fascine et vous passionne, tout fonctionne à merveille. J’aime le pagne, je le respire et le vis. Et mon inspiration vient du pagne. C’est fort à propos que j’ai toujours de nouvelles créations. Selon le pagne, je réfléchis à un modèle. Il y a certaines personnes qui me demandent des créations et il y a d’autres aussi qui viennent avec leurs modèles et on les réalise. Ce n’est pas aussi difficile, il suffit de regarder le pagne, en fonction des motifs, je crée le modèle. Voilà pourquoi les modèles sont toujours différents. Ici, ce sont des créations personnalisées. Même lorsque la cliente vient avec son modèle, j’ajoute toujours ma touche personnelle. Je ne reproduis jamais le modèle car très souvent ce sont des modèles trouvés sur internet et qu’on retrouve un peu partout. C’est ce qui fait la différence.

Et vous, personnellement, comment êtes-vous parvenue à concilier vie professionnelle et vie familiale ?

Je pense surtout que c’est une question d’organisation et de rigueur avec soi-même. J’essaie, au mieux de mes efforts, d’allier travail et famille en rentrant chez moi avant 19 h. A partir de cette heure, j’ai le temps de me consacrer à ma famille et m’occuper entièrement d’elle. Je suis les enfants en les aidant à travers la résolution de leurs devoirs puis je m’occupe de la cuisine. Je ne laisse personne d’autre faire la cuisine car j’adore concocter moi-même mes plats pour ma petite famille.

Pensez-vous que vous auriez eu le même parcours si vous aviez été un homme?

Sûrement! Mais je ne pense que j’aurais été un homme, que j’aurais embrassé la mode. Mes études secondaires se sont soldées par l’obtention d’un Bac C. La formation supérieure en informatique industrielle et maintenance, qui est une filière d’homme, était on ne peut plus intéressante. Nous étions 4 filles dans la classe.. Pareil en ingénierie 4 ou 5 filles parmi des hommes. Pour dire si j’avais été un homme, peut être que je resterais juste dans ce domaine et non dans la mode. Même si les autres filles de la classe avaient le style homme, j’étais tout de même la seule qui faisait plus femme. J’ai toujours aimé bien m’habiller et être pimpante. Ce sont ces raisons qui m’ont valu le surnom  ‘’Colby’’, du nom d’Alexis Colby, actrice du film de l'époque “Dallas”, qui aimait bien s’habiller. Et ce pseudonyme est toujours d'actualité car  certains continuent de m’appeler ainsi..

Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait faire comme vous ?

Aujourd’hui, vous conviendrez avec moi que jeunesse rime avec réseau social. C’est la ruée des filles sur les réseaux sociaux avec de nombreux ami(e) s. 3000 à 2000 amis pour certains et 5 000 pour d’autres. Je vous assure que, rien qu’avec ce nombre impressionnant d’amis, ce potentiel avéré, elles peuvent fructifier et monétiser leur business s’il y en a. Il leur suffit d’un peu de courage et de détermination en se rendant à Adjamé, où on trouve tout en gros contrairement aux autres communes d’Abidjan. Qu’elles achètent des marchandises (même si ce sont des pompons ornés de perles, juste pour apporter une touche personnelle. Tu proposes sur Facebook, et ils s’arracheront comme des petits pains. Nombreuses sont ces personnes qui n’ont pas le temps d’aller faire des courses. Prenons un exemple, achètes des légumes et des fruits, mets les par kilo dans des paniers, emballés et mets sur Facebook, présentes ton ‘’panier de la ménagère’‘. En fonction de tes dépenses ajoutes ton petit bénéfice, ça va marcher au lieu de mettre des photos et faire des querelles. Ça va payer avec le temps et elles pourront s’affirmer aussi. C’est ce que je peux conseiller.

Les réseaux sociaux vous servent-ils dans votre vie personnelle ? Vous servent-ils en tant que Femme ?

Je viens d’ailleurs de le prouver en donnant des astuces aux jeunes filles. Je suis un fruit des réseaux sociaux. Mon intention au début c’était juste montrer quelques modèles et informer de l’existence de mon atelier de couture. À la longue, grâce aux réseaux sociaux, “FATYAS” est ce qu’elle est en ce moment. Toutes mes clientes sont des contacts des réseaux sociaux notamment Facebook pour la majorité. Elles appellent et viennent à l’atelier. 

Avec tout ce que vous avez réalisé, êtes-vous satisfaite?

Il ne faut surtout pas s’enorgueillir. Je ne suis qu’à mes débuts, je suis juste entrain de tisser ma toile (Rire). Je suis, tout de même satisfaite car aujourd’hui le bébe fait sa croissance normale. j’ai également commandé 6 machines piqueuses parce que  ma parution à la télé m'a donné une forte audience et mes commandes se sont accrues. Pour être très professionnelle, faire la différence et s’imposer dans le milieu, demande de la rigueur et le respect scrupuleux des rendez-vous donnés pour des livraisons des commandes. Les nouvelles machines électroniques pour broderie seront livrées d’ici peu pour satisfaire ma clientèle. 

Un mot de fin 

Mon premier propos va à l’endroit des jeunes filles. Je les exhorte à la ténacité, qu’elles s’activent et ne restent pas les bras croisés à attendre quelque chose de quelqu’un. Il faut faire montre de courage et se battre. Même avec 10 000 c’est possible de réaliser quelque chose. On peut partir de rien et devenir quelqu’un avec la persévérance. Qu’elles rentrent dans les marchés, essayent de prendre de petits trucs. Aujourd’hui, il y a des petits bracelets vendus à 1000 FCFA l’unité, avec 20 000 FCFA ça te fait 20 bracelets. Ajoutant une petite touche personnelle, elles auront toujours un petit bénéfice. L’heure n’est plus à la dépendance, à la flemme en attendant tout des hommes. Ce temps, celui de nos mamans, était peut être approprié car les hommes refusaient que la femme travaille, mais pas aujourd’hui. Les hommes veulent des femmes qui se battent. Si tu ne travailles pas dans un bureau, il faut au moins chercher à faire quelque chose pour te défendre.

 

 

Florence Bayala