Burkina Faso : Geneviève Zabré, une scientifique pédagogue et féministe

Lauréate du concours international de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes », la burkinabè a conquis le jury grâce à une pédagogie imagée. Sa passion, la recherche, lui permet de se faire une place dans un environnement encore très masculin.

C’est avec beaucoup d’humour et d’enthousiasme que la physio-biologiste burkinabè, Geneviève Zabré, a convaincu son auditoire le 27 septembre dernier à Lausanne, en Suisse. Elle participait avec 18 autres participants de divers horizons, à la finale internationale du concours francophone de vulgarisation scientifique « Ma thèse en 180 secondes », organisé par l’Agence universitaire de la francophonie. Trois minutes, chrono en main, lui ont suffi pour convaincre le jury de l’apport des plantes fourragères d’acacia dans la lutte contre le méthane émis par les ruminants. Un pari loin d’être gagné d’avance.

Pédagogue

Pour y parvenir, elle n’hésite pas à surprendre son auditoire en faisant le rapprochement entre un mouton et le réchauffement climatique : « Dans la panse du mouton, sont logées des bactéries méthanogènes que j’ai surnommé les petites bêtes, résume-t-elle lors de son intervention. Ces petites bêtes fermentent les aliments lors de la digestion du mouton et sont à l’origine d’un gaz qui se libère dans l’atmosphère lorsqu’il rote. Une véritable bombe à retardement pour notre planète… Peut-on empêcher le mouton de roter ? Pas évident ! Comment faire ? Éliminer ces bactéries en utilisant nos plantes médicinales ».
Ce sens inné de la rhétorique et de la pédagogie, Geneviève Zabré l’a obtenu au cours de longues années d’études et de persévérance. « Cela vient aussi un peu de mon enfance car mon père est un moraliste, avoue-t-elle. Il avait l’art de bien dire les choses au bon moment et à la bonne personne. Je me souviens qu’il avait dit qu’un chercheur est celui qui trouve tout le temps une solution face à un problème. Voilà un peu pourquoi j’ai aimé les chercheurs sans même connaître ce qu’ils faisaient exactement ».

Aide des parents

Née à Abobo, une commune d’Abidjan en Côte d’Ivoire, elle y effectue l’ensemble de son cycle primaire. Après des études secondaires et universitaires au Burkina Faso, où elle décroche une licence en chimie biologie à l’université de Ouaga 1, puis un master professionnel en protection et amélioration des plantes, elle décide de se lancer dans une thèse en physiologie et santé animale. Quelques stages plus tard dans divers domaines de recherche, elle devient maîtresse formatrice en greffage d’anacarde (noix de cajou).
« Ces choix académiques sont liés à la passion que j’ai pour la recherche, confie-t-elle. J’aime découvrir et apprendre dans d’autres domaines que le mien. De façon générale, j’ai étudié dans de bonnes conditions même si je n’ai jamais eu de bourses d’étude. J’ai pu compter sur l’aide de ma famille et ma thèse a été entièrement financée par le programme tripartite Afrique-France-Brésil sur la lutte contre la désertification en Afrique », explique l’intéressée.

Pharmacopée traditionnelle

C’est en effet grâce au soutien il y a quatre ans de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) que l’étudiante effectue ses travaux au sein du laboratoire de physiologie animale de Ouagadougou, ainsi que sur le terrain de la zone de Dori, située dans le nord du pays. Là-bas, des éleveurs soignent leurs animaux grâce aux végétaux. Son travail acharné prouvant les vertus de la pharmacopée traditionnelle africaine sur les méthodes de réduction des gaz à effet de serre lui a permis de décrocher sa thèse en juin dernier.

« Il y a beaucoup de ruminants en Afrique et le réchauffement climatique est en train d’amoindrir la qualité du fourrage destiné à nourrir les animaux. J’aime beaucoup les animaux, notamment les animaux d’élevage. Je suis curieuse de voir comment leur organisme fonctionne. Il y a des solutions pour les soigner en cas de maladie avec des plantes médicinales bien choisies en fonction de leurs éléments actifs ».

Curiosité

À terme, Geneviève Zabré compte poursuivre dans le domaine de la recherche et des ruminants mais ne s’interdit pas d’aller découvrir de nouveaux horizons. « J’aime l’innovation et le partage d’expérience », glisse-t-elle. Quant à ses rêves : « Je rêve d’un élevage sain. Je rêve d’un lendemain où on parlera très peu du réchauffement climatique. Je rêve d’être parmi les femmes scientifiques qui vont révolutionner le monde », confie la jeune femme de 31 ans. En attendant cette révolution, Geneviève, qui travaille actuellement comme attachée temporaire de recherche à l’université Ouaga 1, compte se lancer dans une recherche postdoctorale, afin de tester d’autres plantes médicinales sur les nématodes gastro-intestinaux, ces vers parasitaires qui se développent dans les champignons, les plantes ou les animaux, et sur les bactéries méthanogènes.

Féminisme

Malgré sa récompense de 1500 euros suite au concours, Geneviève doit se battre sans relâche au sein d’un milieu composé majoritairement de scientifiques masculins. « C’est un combat de tous les jours car il faut concilier vie privée et vie professionnelle. On me dit souvent qu’à cette heure je devrais être à la maison, mais je suis habituée à ce genre de remarques et je reste bien appréciée et encouragée par les autres. C’est un monde mixte où l’on se bat pour l’innovation », décrit celle qui ne compte pas ses heures.
Et pour inspirer les autres, la thésarde ne manque pas de conseils : « Aux jeunes, je dirais tout simplement que seul le travail paye. Il faut se montrer patient et travailler avec amour et sérénité. J’encourage surtout les jeunes femmes à se lancer dans le domaine de la recherche car ce n’est pas seulement un monde réservé aux hommes ».

 

 

Source : jeuneafrique.com