Le combat de Julie Owono pour protéger la vie privée des internautes africains

La jeune Camerounaise, responsable Afrique de l’ONG Internet sans frontières, dénonce l’absence de protection des internautes africains. « Les dirigeants africains sont obsédés par la surveillance de leurs peuples et la possibilité d’un printemps arabe dans leurs pays.

À tel point qu’ils mettent totalement de côté la question de la sécurité des données privées. Résultat : n’importe quel hacker pourrait s’amuser avec les données des internautes. » Ces propos ont été tenus fin novembre 2016 par Julie Owono, une jeune Camerounaise de 30 ans responsable de la branche Afrique de l’ONG Internet sans frontières (ISF). Longue natte, rouge à lèvres, hauts talons, cette élégante fille de diplomate lutte avec acharnement contre « la surveillance incontrôlée des réseaux en Afrique » depuis son bureau du Centre d’affaires des avocats de Paris (CDAAP).

Le respect de la vie privée ? Sur le marché africain c’est « open bar » pour les entreprises ! »

Hasard du calendrier, neuf jours plus tard, Le Monde révélera – grâce à des documents livrés par Edward Snowden – la surveillance quasi systématique des chefs d’État, ministres et hommes d’affaires de plus de 20 pays d’Afrique par le GCHQ, les services de renseignements britanniques. Preuve supplémentaire, s’il en fallait une, que la problématique de la liberté et de la sécurité sur internet ne doit plus être négligée.

« J’ai connu un Internet sans limites »

Pour comprendre comment cette avocate est devenue une défenseuse pugnace des droits sur Internet, il faut se plonger dans son parcours. Née près de Mbalmayo, au Cameroun, elle suit à 5 ans et jusqu’à l’âge de 15 ans ses parents à Moscou. Puis c’est le départ pour la France, où elle fait son lycée en internat dans le petit village d’Ussel, en Corrèze. Tout d’abord consultante en relations internationales, elle devient finalement avocate au barreau de Paris. Voilà pour le CV officiel. Car, en parallèle, il y a internet. Elle parle avec ferveur de son engagement en 2010 au sein du réseau international de blogueurs Global Voices, afin d’attirer l’attention sur les régions francophones du continent à un moment où l’Afrique qui bouge était souvent résumée au Kenya, au Nigeria et à l’Afrique du Sud.

Depuis plusieurs années, des États africains font appel à des entreprises occidentales pour surveiller leurs citoyens.

Internet comme passion, comme lieu d’expression, mais aussi comme moyen de résistance. « Je suis le genre de personnes dont la vie a été changée par les réseaux. J’ai connu un Internet sans limites, ce qui m’a permis d’être blogueuse, d’écrire pour les plus grands journaux : The Economist, aljazeera.com, Quartz. Mon souhait, c’est que les nouvelles générations – en particulier les femmes – puissent en profiter aussi librement que moi », explique celle qui affiche son militantisme jusque sur son ordinateur, recouvert d’autocollants de cyberactivistes.

Vie privée menacée

Les révélations d’Edward Snowden en juin 2013 vont réorienter son action. La surveillance de masse exercée par la National Security Agency (NSA) lui fait prendre conscience que son combat ne doit pas se limiter à la question de la liberté d’expression : le droit à la vie privée est menacé. Cela vaut aux États-Unis, en Europe, et surtout en Afrique. « Depuis plusieurs années, des États africains font appel à des entreprises occidentales pour surveiller leurs citoyens », explique la militante.

 

Source : jeuneafrique.com