Beau-frère, belle-soeur: comment gérer le conflit?

Etre en couple, c'est aussi souvent accepter les frères et soeurs de son conjoint. Pourtant, on a beau essayer, parfois, le courant ne passe pas. Mais faut-il vraiment en parler? Ces tensions peuvent-elles s'apaiser? Eléments de réponses.

"Glaciales", c'est ainsi que Raphaëlle, 34 ans, évalue ses relations avec Ben, le frère de son conjoint. A l'inverse, Charlotte, 28 ans, juge Anne-Laure, sa belle-soeur trop familière et vexante dans sa manière de lui parler. "Elle me serine tout le temps: 'tu n'as pas un peu pris toi?', 'alors, quand est-ce que vous nous faites un petit?'", énumère-t-elle.  "A l'inverse de nos relations avec nos beaux-parents, les liens avec les frères ou les soeurs de notre conjoint mettent en interactions des personnes appartenant, plus ou moins, à la même génération. Elles sont basées sur un principe d'égalité, entre le lien amical et le lien purement familial", souligne Nicolas Jonas, sociologue et auteur de Beaux-frères, belles-soeurs: les relations entre germains affins (éd. ENS Cachan). Entre critiques trop fréquentes, absence de réciprocité dans l'entraide familiale ou manque manifeste d'empathie, cette fameuse égalité peut vite se muer en conflit.

On choisit son partenaire, pas sa famille

Pourtant, la fratrie ayant grandi ensemble et donc souvent bénéficié de la même éducation, comment expliquer que l'on ne supporte pas l'un de ses membres alors que l'on aime son compagnon? "Ils ont été élevés ensemble mais sont devenus des adultes et ont forcément évolué différemment. Il est d'ailleurs possible que ce que l'on préfère chez son conjoint soit justement ce qu'il n'a pas en commun avec ses frères et soeurs", constate Nicolas Jonas.

Par exemple, si l'on aime le tempérament discret de son partenaire et que sa soeur, au contraire, est totalement exubérante, cela peut coincer. C'est le cas de Marie, 31 ans. "J'ai beaucoup de mal avec Julie, la soeur de Rémi. Elle a sans cesse besoin d'attirer l'attention, de se faire remarquer. Du coup, moi qui suis de nature timide, j'ai l'impression d'être complètement effacée en sa présence."

Malaise ou réelle mésentente?

"Si l'on est bien dans sa peau, on sera plus difficilement déstabilisé sauf si le frère ou la soeur se montre ouvertement agressif avec nous", note quant à lui Pierre Faubert, psychologue. "Parfois, il s'agit plus d'un malaise que l'on éprouve en la présence de son beau-frère ou de sa belle-soeur que d'une réelle mésentente", ajoute Nicolas Jonas.

Comme Marie avec sa belle-soeur. "Son attitude me bloque, je trouve qu'elle en fait trop. Pour autant, cela ne l'empêche pas de m'embrasser comme du bon pain quand j'arrive. Elle ne se doute pas un instant de mon ressentiment à son égard. A l'instar de Rémi, qui tomberait des nues s'il savait que j'ai du mal avec sa Julie adorée."

"Une mise à distance formelle"

Et si l'on se contente de se montrer cordiale et respectueuse, cela peut suffire? Généralement oui mais cela ne satisfera pas forcément tout le monde. "Quand une personne s'entend très bien avec ses frères et soeurs, l'incitation sera forte pour que son conjoint exprime également son attachement à ses beaux-frères et belles-soeurs", reprend Nicolas Jonas. Or, si le frère de notre compagnon s'adresse à nous chaleureusement et que l'on se contente d'un sourire mi-figue mi-raisin et d'une vague réponse, "ce que l'on prend pour de la politesse pourra être perçu comme une mise à distance formelle rompant le principe d'égalité", analyse le sociologue.

Le risque: être considéré comme quelqu'un de froid, de distant et de non-investi. Charlotte, elle, s'efforce de faire bonne figure, chaque fois qu'elle voit Anne-Laure, c'est-à-dire, le moins souvent possible. "Romain sait que j'ai du mal avec ses remarques alors il n'insiste pas. En échange, je tâche d'être sympa et de prendre sur moi. C'est tout de même sa soeur."

En parler, une démarche utile

Alors, que faire? Parler franchement à notre conjoint quitte à lui faire de la peine ou à l'énerver? Ne rien dire? "Mieux vaut éviter de trop prendre sur soi, car cela entraîne souvent un cumul de ressentiment. On risque alors de déplacer son agressivité sur la personne la plus proche de nous, c'est-à-dire notre partenaire", avertit Pierre Faubert.

En revanche, en parler semble utile, voire nécessaire. "Quand Raphaëlle est venue me trouver, tout penaude, pour me confier qu'elle trouvait Ben, très froid avec elle, je n'ai pas été surpris. J'ai grandi avec lui, je sais que c'est un garçon timide. Cela dit, de l'extérieur, je comprends qu'il puisse donner une impression de froideur. Étant certain qu'il apprécie ma femme, sa spontanéité, son humour, je le lui ai dit", se souvient Xavier.

Des relations qui peuvent évoluer

Cette discussion a fait beaucoup de bien à Raphaëlle. "Cela m'a rassuré que Xavier m'explique que Ben n'avait rien contre moi, qu'il était juste moins loquace et démonstratif que lui." "Il peut être salvateur de prendre les choses de biais, nuance Nicolas Jonas. Ce n'est pas en listant les défauts de frères et soeurs de son conjoint que l'on parviendra à réellement améliorer la situation."

Et puis, ces relations ne sont pas immuables. "L'arrivée d'un enfant, par exemple, peut constituer un rapprochement, notamment en échangeant conseils, vêtements, voire en faisant le choix d'un frère ou d'une soeur comme parrain ou de la marraine", observe Nicolas Jonas.

Apprendre à ménager les susceptibilités grâce à l'humour

Et si vraiment le courant ne passe pas, certains ont une solution toute trouvée. "J'évite un maximum de voir ma belle-soeur", lance Charlotte, qui craint qu'un jour, cette dernière ne lance le mot de trop et qu'une dispute n'éclate. Si cela ne règle pas vraiment la situation, laisser son conjoint voir ses frères et soeurs, seul de temps en temps peut aussi être une option pour limiter au maximum les tensions.  "Si l'on tient à s'expliquer, il est toutefois préférable de le faire en présence d'une personne de confiance qui pourra temporiser, ajoute Pierre Faubert. Mais cela suppose également de la bonne volonté de part et d'autre."

Pour Nicolas Jonas, la solution la plus efficace pour trouver sa place et apaiser les mésententes reste l'humour. "Sans en abuser, les taquineries et autres réparties humoristiques permettent d'identifier les limites à ne pas dépasser, de discréditer les positions trop dogmatiques et de ménager les susceptibilités." A tester aux prochaines retrouvailles avec notre cher(e) belle-soeur ou beau-frère.

 

Source: lexpress.fr