Couple : ces exigences qui gâchent la relation

Ou la nostalgie de l’ailleurs, la voie de l’amoureux selon la philosophe Arouna Lipschitz...

Elle veut éclairer les pourquoi des couples qui ne marchent pas toujours aussi bien qu’ils en rêvent. Pourquoi tant d’insatisfactions, de frustrations… où se niche le manque dans une relation ? Cette philosophe de la relation nous explique que l’amour, ça s’apprend ! Partant du constat que l’on cherche toujours du « mieux », du « plus » chez l’autre, elle fait l’hypothèse que nous sommes dans la nostalgie d’un certain « ailleurs » qui nous hante !

Ce « mieux » que l’on cherche à trouver chez l’autre restera un mirage puisqu’il est lié à une mémoire de « l’ailleurs » inscrite en nous sous forme de manque d’absolu, de beauté infinie, de paix qui, par comparaison, nous laisse insatisfaits de la vie sur terre. Guérir de la nostalgie de cet « ailleurs », c’est accepter de vivre dans la réalité : aimer la vie sur terre, aimer être dans son corps avec sa personnalité, s’ouvrir aux autres et à l’autre en dépit de nos limites humaines. Il faudrait presque être disposé à aimer l’autre un peu plus que soi-même…

On souffre parce qu’on on cherche notre moitié

Selon Aristophane dans le mythe de l’androgyne du Banquet de Platon, l’amour ne serait rien d’autre que le sentiment de nostalgie de notre ancienne nature et une quête désespérée de l’unité intérieure perdue. L’union de l’homme et de la femme représenterait une tentative de retrouver cette union disparue. C’est ce qu’exprime Arouna en parlant de nos blessures de nostalgiques de l’ailleurs. Au quotidien, cet « ailleurs » est imprimé en nous comme le sentiment de plénitude que nous aurions vécu dans l’au-delà, avant notre arrivée sur terre. Cette mémoire de l’Amour coule dans nos cellules et c’est elle qui génère ce manque qui nous pousse à chercher notre âme sœur. Sauf que lorsque cette attente reste prise dans une nostalgie qui nous empêche tout réalisme et bon sens, elle devient souvent douloureuse à vivre, d’autant plus douloureuse que les déceptions s’accumulent.

On cherche chez l’autre une part de nous-mêmes

Compte tenu de cette séparation qu’est notre naissance, on serait sur terre pour rechercher notre « moitié ». Notre naissance nous polarise (femme/homme), nous fait passer de l’unité au deux (moi, l’autre). La Genèse reprend bien cette histoire en séparant Adam de son autre côté, son côté féminin (la côte à partir de laquelle Eve est crée). On ne sera donc jamais Tout tout seul et donc jamais tout pour l’autre et vice et versa. Il faut faire le deuil du Tout car cette quête d’absolu s’immisce dans les relations de manière perfide. La nostalgie de l’ailleurs engendre quasiment toutes nos insatisfactions. Elle s’exprime dans le perfectionnisme, le surinvestissement, la jalousie, l’idéalisation, la possessivité etc… Mais le véritable problème n’est pas tant l’ailleurs que sa nostalgie. Une démarche spirituelle ou la pratique de la méditation nous apprend à nous ressourcer à cet ailleurs, ce qui permet déjà de « combler » cette nostalgie. Il est donc essentiel d’apprendre à se nourrir de beauté, de lumière, de paix tout seul pour être mieux en couple et ne pas attendre « tout » cela de ses partenaires. Pour cela, il faut s’entraîner à toucher ces états de conscience pour magnifier nos échanges avec les autres. Si on ne met pas du spirituel dans le relationnel, on arrive vite aux limites humaines. La vie est un tout et ne pas zapper notre dimension spirituelle permet de vivre plus pleinement notre dimension humaine. Retrouver la plénitude originelle, tel serait notre but ! Mais comment ?

Embrasser sa fragilité pour mieux être avec l’autre

Il faut cultiver en soi les moments de grâce où l’Amour, sous forme de beauté, de joie, de sérénité nous touche le coeur. Pour cela, il faut multiplier les occasions de les éprouver, garder de la place dans nos agendas pour des rendez-vous avec l’essentiel, un cours de yoga, une promenade en forêt, écouter de la musique, lire de la poésie, pour bercer notre quotidien de douceur, de silence afin que ces sensations embaument notre vie intérieure du parfum d’Amour venu d’ailleurs… Cet Amour primaire d’un lointain passé qui nous a quittés… On le porte tellement en nous, c’est pourquoi nous le cherchons tant : notre corps en a profondément besoin. Et l’autre semble tellement y ressembler… au moment où il nous fait tomber en amour ! Après il faut apprendre à devenir un amoureux et c’est une autre affaire ! Il va falloir accepter le manque, renoncer au Tout tout en apprenant à nous ressourcer à l’Amour, la substance de l’univers dans laquelle nous baignons. Quand on sait que l’on vient de l’Amour et que c’est ce qui nous manque on se trompe moins d’adresse, on comprend que cet Amour se trouve en solo et on ne l’attend pas de l’autre… On s’en nourrit et par voie de conséquence cet amour nourrit toutes nos relations. On sort de l’illusion qui nous fait croire qu’en rencontrant notre « moitié », nous pourrions former le Tout qui nous comblerait totalement. On peut vivre des moments de communion intenses, mais la communion n’est pas la fusion… Comme le dit le mot lui-même c’est « comme-union », comme mais jamais l’unité parfaite ! Selon Arouna Lipschitz il faut donc, d’abord, embrasser cette fragilité humaine d’être né, donc séparé, donc mortel ! Accepter le manque pour devenir plus fort et mieux préparé à vivre en couple et se souvenir que le sentiment d’unité se cultive en soi-même en acceptant sa part de féminin dans le masculin pour l’homme et sa part de masculin dans le féminin pour la femme et en intégrant des pratiques méditatoires de ressourcement à son quotidien.

 

Source : love-intelligence.fr