Mode : «la maigreur va disparaître des podiums», promet le rapporteur de la «loi mannequin»

Olivier Véran, rapporteur de la «loi mannequins» dont les deux décrets ont été publiés vendredi, estime que c'est une vraie avancée dans la lutte contre l'anorexie et la minceur extrême. Pour beaucoup, c'est une victoire.

Ce samedi, la «loi mannequins» entre effectivement en vigueur sur le territoire français. Les modèles devront obligatoirement passer une visite médicale. Objectif : en finir avec les jeunes femmes trop maigres sur les podiums et dans les magazines. Il s'agit non seulement de protéger leur santé, mais aussi d'éviter qu'elles servent de référence en termes de beauté pour les adolescentes. Ces deux dispositions «visent à agir sur l'image du corps dans la société pour éviter la promotion d'idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l'anorexie chez les jeunes», explique d'ailleurs le ministère.

Les décrets d'application sont enfin parus vendredi au «Journal officiel» après être restés des mois coincés au vestiaire, comme nous le révélions en janvier dans nos colonnes. «Je suis très content, c'est une vraie avancée, il aura fallu beaucoup de force de conviction après des débats compliqués pour convaincre le milieu de la mode, pourtant très réticent», explique l'ex-député PS Olivier Véran, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale.

«La pression sociétale, c'est encore plus fort»

«Je pense que cela a contribué au changement des mentalités. On ne regarde plus ailleurs dorénavant. Ma boîte mail explose d'alertes sur des mannequins trop maigres. Aujourd'hui, je crois que cette image renvoyée par les marques est ringarde et détestée par le grand public. La maigreur va disparaître des podiums», martèle l'homme politique. «Légiférer, c'est important, mais la pression sociétale c'est encore plus fort», conclut-il. Difficile en effet pour les marques de mode qui vendent du glamour de choquer les gens avec des images de maigreur extrême.

Du côté des professionnels que nous avons contactés, c'est l'omerta qui prédomine. Sur huit agences, sept «ne sont pas habilitées à répondre». «Ça vient juste de sortir», semble découvrir une responsable d'agence jointe au téléphone pour justifier son absence de position officielle. Une seule annonce avoir pris les devants. «On est comme des agents immobiliers, on s'adapte au marché et à ses règles. Il faudrait plutôt demander aux stylistes pourquoi ils veulent des filles maigres», confie une agente sous couvert d'anonymat. «Chez nous, dès qu'une fille arrive, on ne peut pas la faire travailler si elle n'a pas passé la visite médicale. Mais il faut avouer que c'est parfois difficile d'avoir un rendez-vous», précise-t-elle.

La mesure s'applique aux autres pays d'Europe, Russie et Ukraine comprises

Lorsqu'ils exercent en France, cette mesure s'applique aussi aux mannequins de tout autre pays de l'espace économique européen, y compris la Russie et l'Ukraine, d'où sont originaires beaucoup de top-modèles en vogue. Une vraie révolution. «La profession a été associée à la rédaction de ces textes et donc informée en amont», précise le ministère.

«Pour la haute couture, on ne veut pas des filles, on veut des cintres !» s'exclame Clio Pajczer, ex-mannequin spécialisé dans les maillots de bain aujourd'hui reconverti en chroniqueuse télé. «Il était temps que ça s'arrête. Moi aussi j'ai été conditionnée au début de ma carrière. Résultat, à 14 ans, je ne pesais plus que 45 kg pour 1,71 m alors qu'auparavant j'étais athlétique. Cette loi est donc une bonne nouvelle pour les ados qui scrutent les canons de beauté dictés par les podiums», confie la trentenaire.

Victoire Maçon Dauxerre, ex-mannequin couture, auteur de «Jamais assez maigre» (Ed. les Arènes), un livre sur son combat contre l'anorexie, appelle à encore plus de vigilance : «Un certificat médical de deux ans est inutile et absurde. Le contrôle doit être régulier dans les agences et les Fashion Weeks», insiste-t-elle.

Ce que dit la loi

Les deux décrets publiés vendredi concernent les articles 19 et 20 de la loi dite Marisol Touraine. «Il sera obligatoire d'accompagner les photographies à usage commercial de la mention photographie retouchée lorsque l'apparence corporelle des mannequins a été modifiée par un logiciel de traitement d'image, pour affiner ou épaissir leur silhouette.» L'obligation concerne donc les photos « insérées dans des messages publicitaires » dans la presse, sur des affiches, sur Internet ou encore dans les catalogues et prospectus, précise le décret. Cet aspect de la loi ne sera applicable qu'au 1er octobre.

Mais le point le plus marquant pour le grand public concerne le certificat médical nécessaire aux mannequins pour pratiquer leur métier. Dorénavant, il sera délivré par la médecine du travail, «dans le cadre des visites d'information et de prévention ou des examens médicaux d'aptitude». Valable deux ans maximum, il attestera «que l'état de santé global de la personne [...], évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle, lui permet l'exercice de l'activité de mannequin». Aucun indice minimal n'est toutefois précisé, il est laissé à l'appréciation du médecin du travail.

Des amendes et des contrôles sont prévus par la loi.

 

Source: leparisien.fr