"Mon mari m'a quitté quand je me battais contre un cancer"

Le crabe, gangrène du couple? Pour Marie, la maladie a signé la fin de son mariage. S’épauler dans la santé comme dans la maladie… Marie y croyait, elle a déchanté. Son mari, compagnon solide depuis trenteans, l’a quittée alors qu’elle se battait contre le cancer du sein.

Nul esprit de vengeance dans son témoignage, assure la Vaudoise, mais une volonté de réveiller les consciences. «Je ne suis pas la seule femme dans cette situation. C’est pour elles que je m’exprime.» Seul son nom de famille, connu de la rédaction, n’est pas publié, par souci de protéger ses proches.

Le diagnostic tombe fin 2007, entraînant bientôt un changement brutal de personnalité chez son époux. Premier symptôme: le désintérêt. «Il n’abordait jamais le sujet lui-même, comme si rien ne se passait. C’est peut-être aussi de ma faute. En brave petit soldat, je l’ai écarté de mon cancer. Je voulais le protéger.»

La situation dégénère en 2009. «L’homme avec qui je pouvais traverser la tempête s’est transformé en macho irascible, imprévisible, violent en paroles, ne supportant rien, me reprochant tout, m’humiliant devant les enfants.»

Marie contacte le médecin de son mari, suspectant que les médicaments de ce dernier provoquent ces sautes d’humeur. La riposte ne se fait pas attendre. «Ce soir-là, nous recevions un couple d’amis. On débouche le pétillant et il prend la parole: «J’aimerais vous dire que, pour me nuire, Marie a raconté à mon médecin que je la battais.» L’homme fait sa valise. Il ne reviendra plus. «Un séisme, un ouragan, un tsunami. Ça m’a sciée à la base.»

Marie perd pied, pense au suicide, séjourne à Cery. «J’ai compris que mon mari s’était servi de cette histoire comme prétexte. Son départ était prévu depuis longtemps. Je sais bien que c’était dur mais je pensais qu’être deux dans la vie ça servait aussi à cela. Si on ne peut pas tenir trois ans de coups durs après un attachement indéfectible de trenteans, c’est tout de même dommage.»

Femmes plus touchées

Difficile d’établir des liens entre cancers et divorces. Selon une étude parue en 2009 dans la revue américaine Cancer, une femme est six fois plus susceptible qu’un homme de vivre une séparation après le diagnostic (taux de séparation: 20% pour les femmes malades, contre 3% pour les hommes).

Le phénomène n’est peu ou pas chiffré. L’entente des conjoints avant l’irruption du mal est évidemment déterminante mais, à en croire les soignants, la majorité restent solidaires. «Les séparations sont rares, souligne Solange Peters, médecin associé au centre pluridisciplinaire d’oncologie du CHUV. Mais il est vrai que je n’ai jamais vu une femme quitter son mari malade. L’inverse, oui.»

Même son de cloche chez Stéfanie Ghavami-Dicker, sexologue, psycho-oncologue et animatrice de groupes dédiés au cancer du sein. «J’ai souvent été très touchée de voir combien l’homme était compréhensif et présent», souligne-t-elle. Au point de surprendre leurs compagnes, lesquelles portent un regard sévère sur leur corps malmené.

Source : autre presse

photo d'illustration