Grossesse: la peur de la maladie génétique

Vouloir un enfant lorsque l'on se sait porteur d'une maladie génétique est une épreuve angoissante pour les futurs parents.

Elise et son mari Sylvain ne se doutaient pas, avant d'avoir Léa, 9 ans, qu'ils étaient tous les deux porteurs sains d'une maladie génétique - la polykystose rénale autosomique récessive- une maladie rare qui touche la fonction rénale. En faisant un bébé ensemble, ils prenaient un risque sur quatre d'avoir un enfant malade.

"Le diagnostic a été posé aux 2 ans de Léa, explique Elise. Ça nous a fait un choc. On s'est dit 'pourquoi ça tombe sur nous ?'." Lors des deux grossesse suivantes, le couple a opté pour un diagnostic prénatal.

"Il existe autour de 8000 maladies génétiques. Il n'est donc pas possible de dépister tous les risques de tous les couples qui ont un projet d'enfant, souligne le professeur Sylvie Odent, responsable du service de génétique clinique au CHU de Rennes. Certaines maladies ne sont pas héritées, elles surviennent 'de novo'. Dans le cas où les deux parents, porteurs sains, ont eu un premier enfant malade ou bien si un futur parent ou un membre de la famille est malade, il existe toutefois la possibilité de proposer des tests génétiques et donc de mieux préciser le diagnostic et les risques de transmission."

Si la maladie est "d'une particulière gravité", les couples pourront choisir de faire un diagnostic prénatal, ou un diagnostic préimplantatoire en passant par une FIV pour sélectionner un embryon sain dans un centre spécialisé. La démarche prend au minimum deux ans.

Sylvie Odent insiste sur l'importance de prendre un rendez-vous dans un centre de génétique le plus tôt possible car les délais d'attente peuvent atteindre six mois et que les résultats des tests peuvent prendre aussi plusieurs mois.

"J'étais sans doute dans le déni"

Le choix du dépistage ne coule pas de source pour tous les couples. Certains préfèrent parfois vivre leur projet sans trop se préoccuper des statistiques. Elodie et Benjamin, parents d'une petite Cindy de 2 ans, n'ont pas souhaité se renseigner avant de se lancer.

"Je savais que Benjamin avait une maladie génétique -le syndrome d'Alport qui affecte les reins, l'audition et parfois la vue- mais je l'ai toujours connu en forme. Nous n'avions pas vraiment d'information sur les risques, nous savions seulement que la transmission se faisait chez les garçons, ce qui psychologiquement nous rassurait un peu, détaille Elodie. J'étais sans doute dans le déni. Surtout, je savais que Benjamin n'avait pas du tout envie d'en parler. Il fait tout pour garder sa maladie à distance et mener une vie normale."

La culpabilité, le sentiment qui complique tout

En effet, c'est souvent pour le porteur de la maladie que la difficulté de communiquer est la plus grande. "Au bout de plusieurs mois d'essais, nous avons dû entamer un parcours de PMA, reprend Elodie. C'est à ce moment-là que nous avons été obligés de parler de la maladie de Benjamin. Le diagnostic n'avait jamais été clairement posé, ni les risques de le transmettre -un sur quatre. Benjamin n'en parle pas mais je sais que cela lui cause un fort sentiment de culpabilité", détaille Elodie.

Pour elle, le désir d'enfant était "plus grand" que la peur de transmettre en héritage de "mauvais gênes". "Une généticienne m'a dit un jour : 'si on pense à toutes les maladies que nous pouvons transmettre à nos enfants ou qu'ils peuvent avoir sans parler de génétique, on ne ferait plus d'enfant ! Au moins, vous connaissez le risque de transmettre le syndrome de votre conjoint'. Cela m'a convaincue. La grossesse est toujours une sorte de tombola."

Pauline Minjollet, psychologue clinicienne à la maternité Antoine Béclère confirme. "Celui qui n'est pas porteur a souvent bien plus d'indulgence face à la situation. C'est la culpabilité de transmettre cette maladie familiale, voire la honte de faire éprouver cela à son partenaire, qui est au premier plan."

Elise, elle, évoque un autre rapport à la culpabilité. Même si le risque de transmission était clairement identifié grâce au diagnostic in utero, le degré d'expression de la maladie, sa gravité, elle, ne pouvait pas se mesurer. Le fait d'avoir décidé d'interrompre deux grossesses sans certitude reste lourd à porter. Lire la suite sur lexpress.fr