Consommation du kaolin. Quels effets sur la santé des femmes ?

Le kaolin, une argile blanche et friable est très consommée par des femmes africaines surtout de l’Afrique occidentale. «Kew» pour les Sénégalais, «iokpo» pour les Ivoiriens, « kalaba » pour les Togolais et les Camerounais, « mabele » pour les Congolais, la consommation de ce «caillou» , une appellation de François, qui se demande, comment une personne normale peut s’adonner à croquer du «caillou », est très prisée par les femmes, surtout enceintes, les enfants qui ont pris l’habitude chez les personnes âgées. Toutefois, cette habitude n’est pas sans conséquences néfastes sur la santé humaine selon des spécialistes bien que des atouts lui soient reconnus.

Si sa consommation est néfaste pour la santé, le kaolin est très prisé comme matière première dans la fabrication des céramiques fines et des produits réfractaires ( briques, ciments, mortier ). Il constitue par ailleurs un additif dans la fabrication du papier, des peintures, des plastiques et du caoutchouc.

Le Kaolin est également utilisé comme charge minérale dans la minéralisation de l’eau. C’est également un élément essentiel dans la fabrication de plâtres, de granules pour les revêtements de toiture. Souvent, «il est utilisé par les esthéticiennes pour son effet embellissant sur la peau, également très profitable par son effet absorbant sur les peaux sèches ou très fragiles ainsi que sur les cheveux dévitalisés », déclare Mme Olga, esthéticienne.

«Seul le kaolin dit pharmaceutique est bon pour la santé, pas celui que les bonnes femmes étalent à tous les coins de rues et qui est exposé aux microbes et à la poussière », souligne Mme Madzin, sage -femme au CHU Sylvanus Olympio de Lomé. «Dans le domaine médical, on reconnaît beaucoup de vertus du kaolin. Il n’est pas rare de voir à la pharmacie des produits faits à base d’argile très antiseptiques pour les soins du visage et du corps. Le kaolin est également un anti-inflammatoire très efficace contre les muqueuses, les brûlures etc… », a t-elle ajouté.

La vente du kaolin prisé par les femmes est très prospère à Lomé. «La demande est très forte ; par jour je peux vendre 2000 frcs cfa, ce que je ne gagne pas sur la vente du pure water», confie Nafissatou. «En saison de pluies, c’est difficile d’acheter du kaolin, donc j’emmagasine pour ne pas perdre mes clientes, qui en raffolent», ajoute t-elle.

«Je ne peux m’en passer; étant enceinte, il m’arrive de consommer 200 fcfa de kaolin par jour. J’aime surtout son odeur de terre argileuse » déclare Amah, enceinte de 6 mois qui ne comprend pas son obsession pour le « Kalaba ». De 25f, elle est passée à 100 F CFA, et aujourd’hui, elle est incapable de résister au kaolin. «J’en deviens dépendante et j’ai le vertige si je n’en consomme pas », dit-elle. Elle n’est pas la seule dans cette situation.

Des femmes non enceintes également sont accrocs. Essi, une jeune étudiante bien qu’ayant connaissance des conséquences néfastes du kaolin sur la santé, n’y résiste pas non plus. « Je sais que sa consommation est néfaste. Mais je n’y résiste. Bien que j’aie l’envie d’abandonner», confie t-elle.

Chez les femmes enceintes, selon Mme Madzin, citée plus haut, la consommation du kaolin entraîne l’anémie et accroît le risque de mort du fœtus dans le ventre de la femme enceinte. Si ne n’est pas le cas, le fœtus subit un retard de croissance et à un faible poids à la naissance, ainsi que d’autres troubles psychiques par manque d’éléments nutritionnels dans le sang maternel dans lesquels il peut puiser sa force.

Généviève, a donné son exemple lors d’une consultation prénatale à ces sœurs au CHU S.O. «J’avais perdu un enfant à la naissance à cause de ma consommation accrue du kaolin. Lors de l’accouchement, le kaolin que j’avais croqué a bourré mon rectum par son effet absorbant et mon enfant n’arrivait pas à sortir. A la fin, j’avais subi une césarienne mais j’ai perdu mon bébé par la même occasion. Je déconseille donc sa consommation aux femmes », témoigne Généviève. «Ce conseil n’est pas différent de ce qu’on leur dit à l’hôpital», renchérit Mme Madzin.

Certaines écoutent, d’autres non. On leur prescrit des médicaments riches en fer et en calcium très essentiels pour le bon développement du fœtus, mais elles préfèrent croquer du «caillou » soi-disant que c’est riche en calcium et en fer. Je leur dit toujours qu’il n’y a aucun élément minéral dans cette roche. Et si ce sont les moyens qui manquent, je préfère qu’elles consomment des fruits et des légumes riches en fer et en d’autres minéraux pour combler la carence.

«Les femmes enceintes doivent préserver leur santé et celle de leur fœtus en adoptant des attitudes responsables. Il urge que le ministère de la Santé ou le service de protection de la femme accentue la sensibilisation sur les risques que les femmes enceintes encourent en consommant du kaolin », conclut-elle.