Marcelle Aka, Super Prix Ebony 2020 du meilleur journaliste ivoirien:``Le genre ce n`est pas le favoritisme pour un sexe, c`est l`égalité des chances``

Désignée meilleure journaliste 2020 de Côte d’Ivoire au cours de la 22ème soirée des Ebony organisée le samedi 23 janvier 2021 dernier, Marcelle Aka a aussi raflé deux autres prix ce même soir, celui de l’Ebony presse écrite et le prix sectoriel de la meilleure interview. Découverte d’une femme travailleuse et passionnée.

Qui est Marcelle Aka, la lauréate du Super Prix Ebony 2020 du meilleur journaliste ivoirien ?

Marcelle Aka est une jeune dame, mariée et mère de 4 enfants. Elle a un diplôme en Communication et Action publicitaire. J’ai été formée au groupe Pigier, puis j’ai poursuivi à l’ISTC pour faire un Master en Communication, Option presse écrite.
Au niveau professionnel, j’ai été journaliste au défunt quotidien ‘’Notre Aurore’’, et je suis journaliste au quotidien ‘’L’inter’’ depuis 2004. Côté vie associative, je suis membre de deux organisations panafricaines. D’abord l’Observatoire des médias pour la pêche durable en Afrique (OMPTA), en abrégé ‘’MOSFA’’ en Anglais. J’en suis le point focal en Côte d’Ivoire. Ce réseau s’est spécialisé dans la contribution des journalistes dans la promotion de la pêche durable pour soutenir la sécurité alimentaire. La deuxième organisation dont la mise en place a été suscité par l’Union Africaine, à travers son bureau basé à Nairobi, est le Bureau inter-africain des ressources animales (UABIRA). C’est le réseau des experts en charge des politiques de recherches de pêches sur l’Aquaculture en Afrique, dont je suis membre fondateur, point focal Afrique de l’Ouest et membre du bureau exécutif. Là-bas nous sommes chargés de faire des recherches, et moi en tant que journaliste expert, à travers mes articles, ma contribution est de faire des recherches pour soutenir la durabilité dans le secteur. En Côte d’Ivoire, je lance dans quelques jours mon réseau ''Média pour la pêche durable de l’économie bleu’’. Il faut dire aussi que Marcelle Aka est chrétienne. J’aime beaucoup Dieu parce qu'on ne peut rien sans Dieu.

Quel sujet vous a permis de décrocher ce prix ?

La plupart de mes productions ont porté sur la santé et l’environnement. Je me suis spécialisé dans ces domaines.

Comment avez-vous opéré pour le choix de vos sujets ?

Il faut dire que je n’ai pas travaillé dans l’objectif de me présenter à l’EBONY parce que je me dis qu’un journaliste doit aller au cœur des priorités pour être utile à ses contemporains. Un journaliste est d’abord un acteur de développement. A travers nos écrits, nous dénonçons, nous sensibilisons, nous informons pour le changement de comportement, etc. Pour avoir des informations de première main, il faut aller au cœur des communautés, toucher les sources crédibles pour savoir ce qui se passe, et c’est ce que je fais d’habitude. De deux, un journaliste doit valoriser sa plume à travers l’originalité des sujets de ces articles. Chaque jour est un nouveau défi dans le métier, et la seule préoccupation qui me vient en esprit c’est : ‘’qu'est-ce que je propose de nouveau pour le journal ?’’ Avec la pandémie à la COVID-19, c’était un peu dur dans tous les secteurs dont le nôtre. Des entreprises ferment pour des raisons économiques.

Au quotidien, je me pose la question de ce qu’on doit faire pour contribuer à l’enrichissement de notre journal et continuer à intéresser nos lecteurs. En réponse, je réfléchis à des sujets qui sortent de l’ordinaire. Chaque matin, à la Conférence de rédaction, je prends en compte les suggestions des uns et des autres qui m’ont permis de réaliser mes sujets.

J’ai travaillé et j’ai identifié mes sujets dans l'objectif d’enrichir d’abord les pages du journal. Puisque pour moi, ce n’était pas évident que l’UNJCI lance le concours des Ebony cette année, en raison de la pandémie de la Covid-19. Alors, quand le prix a été lancé, je me suis dite que j’avais déjà pas mal de productions publiées que je pouvais compléter pour déposer mes dossiers. Il fallait trois enquêtes ou dossiers, trois grands reportages et trois interviews, en plus du CV, de la carte de presse de journaliste professionnelle et de la carte l’UNJCI. C’est ainsi que j’ai postulé à ce prix.

Quelle a été votre réaction après les résultats du jury du concours Ebony qui vous a proclamé Super Prix Ebony 2020 du meilleur journaliste ivoirien ?

Vraiment, c’était un sentiment de joie, de satisfaction et je me suis dite que mon effort, mon abnégation au travail a payé. Ce n’est pas facile du tout, mais si tu veux vraiment compter parmi les meilleurs, les excellents, je ne veux pas me lancer des fleurs ni écorcher les gens, (rire) mais il faut vraiment s’imposer par le travail et l’abnégation.
Il faut surtout être humble dans le travail. Quand on ne connaît pas, il faut aller vers des gens mieux outillés dans certaines questions pour apprendre. En matière de journalisme, il faut être humble pour mieux apprendre. Chaque jour, il faut se remettre en cause.

Ce n’est pas ma première participation à EBONY. J’ai fait trois participations qui m’ont valu trois nominations. A ma toute première participation en 2016, j’ai été nominée, mais je n’ai pas eu de prix. Cependant, je n’ai pas été gagnée par le découragement. Je me suis dite que j'avais franchi un palier. Parce que le fait d’être parmi les nominés veut dire quelque part que vous savez faire la différence entre les grands genres journalistiques, notamment l’enquête et le reportage. Ça c’est le basic pour ceux qui veulent s’intéresser au grand genre.

En 2017, ça a été pareil, malgré mon reportage sur Monrovia que j’ai proposé à l’issue d’une mission sur la pêche. Après ces deux échecs, je me suis remise en cause, j'ai relu mes articles, et j'ai compris quelque part qu’il n’ y avait pas assez d’originalité dans les sujets, et puis j’ai noté des insuffisances dans le rendu, l’écriture puis je me suis remise au travail. Je lisais beaucoup les articles des autres, mais toujours en restant dans mon domaine, celui que je maitrise le mieux, l’environnement, la pêche et la santé. Finalement, ça a payé cette année.

L'inégalité femmes-hommes et le harcèlement sont-ils présents dans le métier de journalisme ?

Quand on dit inégalité homme et femme, pour moi il n'y a pas d’inégalité en tant que telle. Je prends le domaine de la presse écrite que je connais mieux. Ce n’est pas facile pour les femmes. Tu veux être journaliste émérite dans la presse écrite? Il faut retrousser tes manches et travailler. Dans ma rédaction, nous étions deux au départ. L'autre Eugénie Ago, à qui je fais un clin d'œil, est maintenant à l’ONS. Après elle, une autre consoeur nous a rejoints, Irène Bath qui a été la première femme à remporter le prix Super Ebony en Côte d’Ivoire. Elle est venue marquer la rupture après plusieurs lauréats qui n’étaient que des hommes. Avant elle, il y en a des consœurs, qui ont remporté des prix sectoriels. Mais, quand elle a remporté le super prix, le fait de l’avoir côtoyé m’a motivée dans cette volonté de rechercher l’excellence, la qualité.

Je me suis dit que nous les femmes aussi, on peut être au sommet si on veut, et voilà que ça a payé. C’est pour vous dire que rien n’est impossible si on a la volonté et la foi. Il y a beaucoup de jeunes filles qui viennent faire des stages et qui comptent juste sur leur beauté pour devenir journaliste. On peut dire que c’est un atout, mais, ça ne suffit pas. Surtout dans la presse écrite, ça n’a pas de sens. Tout se passe dans la tête, de la manière dont chacun prends ton travail. Actuellement, je suis la seule femme dans le quotidien ‘’L’inter’’, et je me dis que ce n’est pas ma condition féminine qui doit être un obstacle pour m’imposer dans le travail.

Ce prix est l’occasion pour moi de monter à tous ce dont la femme est capable de faire, car je me suis imposée par mon travail. Je propose des articles pertinents, et je vous assure que mes articles passent souvent à la ‘’Une’’. Quand on te lit, il faut qu’il y ait une cohérence dans le style, qu’on allie le plaisir de lecture à celui de l’information qu’on reçoit. Le lecteur doit toujours apprendre de nos écrits. Le journaliste est partenaire, un acteur de développement, il ne doit pas subir et se contenter de relayer ce que tout le monde voit, mais il doit aller au-delà du factuel pour donner ce partager ce qui n’est pas parfois accessible à tous.

Comment combinez-vous toutes vos occupations, la gestion de votre métier de journaliste, les différents réseaux auxquels vous appartenez, la mère de famille, l’épouse, etc...

Tout est une question d’organisation. C’est toute jeune déjà qu’il faut s’y mettre en aidant ta maman à faire certaines tâches. Je me souviens de mes vacances au village. A peine arrivée, quand je dépose mon sac, ma mère ne travaille plus jusqu’à ce que je reprenne la route du retour. Je faisais toutes les tâches ménagères. On avait perdu notre père fonctionnaire, donc j'allais au champ, on coupait le fagot, les gens interpellaient notre mère et lui lançaient : « les enfants sont nés en ville et tu les fatigues. ». Elle leur répondait: “il faut qu’ils travaillent”. Et on se mettait vraiment au travail. J’appelle tout ça de la bénédiction.

Toujours avec la bénédiction de ma maman, je vie avec une cousine bien qui est avec nous depuis que mon unique garçon avait 9 mois. Aujourd'hui, il soutient son diplôme d'ingénieur, bientôt. Je dis cela pour dire qu’il faut aussi bien traiter et respecter les gens avec qui on vit. Avant de sortir, j’ai un regard sur tout ce dont les enfants ont besoin. J’échange beaucoup avec mes enfants. Je trouve toujours du temps pour eux. Nous abordons tous les sujets et je les mets en confiance. Ils me voient travailler, veiller souvent, donc eux aussi ça les motivent à travailler. Ils ont leur programme de travail, ils travaillent bien et sont bien organisés.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent devenir journaliste et même lauréat du prix Ebony comme vous ?

Je dis à mes jeunes sœurs qu’il est vrai que le journalisme est un métier de contact. On rencontre beaucoup de gens, mais il faut faire attention à son image d’abord, parce que beaucoup d’hommes vont chercher à vous avoir. Il faut savoir préserver poliment son image et garder de bons contacts avec eux. L’image compte beaucoup, donc il faut se prendre au sérieux et ne pas écrire d'articles pour salir des réputations ou détruire des vies. Je conseille à tous l’humilité, de l’abnégation au travail, et de la réceptivité aux critiques.

Il ne faut pas hésiter à soumettre ses articles à d’autres personnes, même à des stagiaires pour un deuxième, voire un troisième regard. C’est toujours bon pour rattraper des coquilles et des imperfections de langage. Le journalisme nécessite aussi une certaine dose de courage. La lecture est également indispensable, à côté du travail, parce que dans ce métier là, on ne triche pas. Si je trichais, je ne serais pas arrivée à m’imposer dans les conférences internationales. Mes travaux dans les séances plénières ont toujours été appréciés par les responsables des réseaux. Donc il faut beaucoup de volonté, d'engagement dans le travail. En toute chose, il faut se fixer un objectif et chercher à les atteindre.

Aujourd’hui on parle de genre, mais le genre ce n’est pas le favoritisme pour un sexe, c’est l'égalité des chances que l’on soit homme ou femme. Nous sommes tous allés à l’école, et à travers le travail, chacun doit s’imposer. Dans la presse en Côte d’Ivoire, Agnès Kraidy a été Rédactrice en chef à Fraternité Matin pendant des années, Touré Yeli est Directrice de publication de L’Expression actuellement, Saly Ouattara a été Directrice de publication de Mousso d’Afrique. Voyez, donc qu'il y a des femmes qui ont réussi à s’imposer. Ce sont des repères. Si elles ont pu arriver à ces niveaux, il n'y a pas de raison que d’autres n’y parviennent.

Irène Bath a ouvert la voie, et je suis la 5ème femme Super Ebony sur la liste aujourd’hui après elle. Sachez que je n’étais pas la seule primée cette année. Plusieurs consoeurs ont décroché des prix sectoriels, notamment Germaine Boni qui a reçu le prix de la meilleure enquête, ​Ami Sissoko, prix du meilleur reportage, ​Emeline Péhé Amangoua​, ​N’Guessan Aya Esther, ce qui fait 5 femmes sur les 10 femmes nominées qui sont rentrée avec un prix. Il faut travailler pour mériter notre place, et il n’y a que cette voie qui compte pour moi.