Mêlé au meurtre de sa femme, le Premier ministre du Lesotho annonce sa démission

Thomas Thabane, le Premier ministre du Lesotho, a annoncé être prêt à quitter ses fonctions. Il est soupçonné de complicité dans le meurtre de sa première femme.

Après des mois de tensions politiques teintées de fait divers, Thomas Thabane se dit prêt à quitter ses fonctions. Le Premier ministre du Lesotho a annoncé qu'il prendra très bientôt sa retraite : «Sérieusement, je ne veux pas finir mon mandat mais me retirer», a-t-il déclaré mercredi à l'AFP. «Vous pouvez dire que le Premier ministre travaille à rendre son départ aussi apaisé et tranquille que possible», a-t-il ajouté, précisant qu'il présenterait sa démission au roi Letsie III dès cet après-midi. «Une fois que je lui aurai parlé, j'informerai mes collègues, a-t-il poursuivi. Une nouvelle coalition émerge et c'est une bonne chose. Certains ont jugé nécessaire de travailler ensemble pour résoudre tout ça de façon pacifique, pour le bénéfice de notre peuple.» «Tout ce que je souhaite, c'est toucher ma retraite et qu'on me laisse tranquille. Tout le reste, c'est n'importe quoi», a assuré l'octogénaire. Sans majorité, il doit quitter ses fonctions au 22 mai au plus tard, a précisé le président du Parlement Sephiri Motanyane, selon le «Lesotho Times».

Depuis plusieurs semaines, le Premier ministre a perdu le soutien de son parti de la Convention de tous les Basotho (ABC), à mesure que l'enquête sur le meurtre de Lipolelo Thabane, sa première femme, se rapprochait de lui et de sa deuxième épouse. Maesaiah Thabane s'est rendue début février à la police, après avoir fui le Lesotho vers l'Afrique du Sud, et a été mise en examen. Trois semaines plus tard, Thomas Thabane était attendu par la justice lésothienne pour être à son tour inculpé mais, toujours protégé par son statut, il n'est demeuré qu'un suspect en attendant que la Cour suprême ne se prononce sur son cas. Ce mercredi, il a de nouveau nié toute implication dans le meurtre de sa première épouse : «Je n'ai tué personne, certainement pas ma femme. C'est vrai, nous avions eu une dispute [...] quand c'est arrivé, mais je ne sais rien de ce qui s'est passé. Ce n'est pour moi qu'une source de grande peine et d'immense embarras.» Il a défendu sa deuxième femme : «Toute cette boue remuée pour essayer de l'impliquer, franchement ça ne marche pas.»

Le mois dernier, au lendemain d'une décision de la Cour suprême s'opposant à sa volonté de suspendre le Parlement pendant trois mois au nom de la lutte contre le coronavirus, Thomas Thabane avait tenté un coup de force et avait envoyé l'armée dans les rues de Maseru afin de «restaurer l'ordre» en réaction à l'attitude de «certaines personnes et institutions» qui, selon lui, «s'en prennent aux principes et à l'autorité qui assurent la stabilité et la démocratie». Blindés et soldats armés étaient rentrés dans leurs casernes le lendemain, après que les ambassadeurs américains, britanniques, européens et sud-africains s'étaient inquiétés de la situation, alors que l'opposition accusait le Premier ministre lésothien de tenter de gagner du temps en restant au pouvoir le plus longtemps possible afin d'éviter d'être formellement poursuivi.

Le couple en contact avec les tireurs le jour du meurtre

Maesaiah Thabane est soupçonnée d'avoir commandité le meurtre de Lipolelo Thabane, commis en juin 2017, deux jours avant que Thomas Thabane ne prête serment pour son deuxième mandat. Dans le discours prononcé à l'occasion de son investiture, Thomas Thabane avait appelé à une minute de silence pour dénoncer ce crime «insensé», commis par des tireurs alors non identifiés devant chez elle, dans la banlieue de la capitale Maseru. Le couple avait assisté, ensemble, aux funérailles de Lipolelo Thabane. Mais l'enquête avait permis de démontrer que le téléphone d'un des tireurs avait appelé celui de Maesaiah Thabane depuis le lieu du crime et que Thomas Thabane aurait lui aussi été en contact avec l'un d'eux le jour du meurtre.

Les deux femmes s'étaient publiquement disputé le titre de Première dame. Lipolelo et Thomas Thabane étaient séparés depuis 2012 mais n'avaient pas officiellement divorcé. La justice avait donc reconnu la quinquagénaire comme seule récipiendaire légale des moyens de l'État en tant que Première dame. Dans la pratique, Maesaiah Thabane ne pouvait donc être reconnue conjointe du Premier ministre, et bénéficier des avantages qui accompagnent ce rôle, tant que Thomas Thabane n'avait pas divorcé de sa première épouse. Le Premier ministre avait épousé sa deuxième compagne, âgée de 42 ans, deux mois après le meurtre, lors d'une cérémonie publique.