Mariama, excisée : ``Une souffrance que je n'oublierai jamais``

Elle a fui son pays, la Guinée, pour que ses filles ne vivent pas la même chose qu’elle : l’excision. Une pratique considérée comme naturelle en Afrique.

Année 1986. En Guinée-Conakry. « Prends ta douche, nous allons voir ta grand-mère », se souvient Mariama Diallo, alors âgée de 11 ans. Une visite habituelle qui n’inquiète pas la fillette. Dans le village de Sofoya, dans la région de Labé, à deux heures de marche, un groupe d’une vingtaine de femmes, parmi lesquelles sa grand-mère, l’attend. C’est jour de fête, sur la natte tirée à même le sol, les plats copieux regorgent de viande : d’un côté les adultes et à part les jeunes filles pas encore pubères. Elle n’est pas seule, Mariama, d’autres gamines moins âgées l’accompagnent. « Je ne comprends rien », raconte-t-elle. Elle porte ses plus beaux vêtements et son innocence de pré-adolescente. « Nous étions toutes bien habillées. » Puis après le repas, « on nous appelle une par une. Là, des cris m’alertent ». La cérémonie a commencé. Les douleurs aussi. C’est à son tour.

« J’ai pleuré, pleuré, mordu celle qui m’a coupée »

Récit : « Sans anesthésie générale on coupe le clitoris avec une lame unique, pas désinfectée, qui passe de l’une à l’autre. Parfois on n’a plus la force de crier, et puis c’est perçu comme une honte de crier. Cinq femmes, au-dessus de nous, nous immobilisent. J’ai pleuré, pleuré, mordu celle qui m’a coupée. » Pour la cicatrisation, on ne s’embarrasse pas non plus des règles élémentaires d’hygiène. Dans une marmite, des plantes et des feuilles portées à ébullition servent de cataplasme. « Elles placent les feuilles sur la plaie, témoigne Mariama, ça brûle. Le lendemain, l’eau est réchauffée et on remet le pansement. On saigne beaucoup, une fille est morte. »

Toutes les petites filles (1) excisées restent deux semaines sous surveillance, couchées sur une natte avec des pagnes et « gare à celles qui se grattent ». « Il y a des femmes qui dorment avec nous, tous les soirs, il y a des chants après le dîner pendant cette période.»

Inacceptable, interdit au pays des droits de l’homme. « Je condamne ces pratiques considérées comme naturelles par la culture africaine que, moi, je ne comprends pas », dénonce Mariama.

Indépendante, rebelle, la jeune femme, aujourd’hui quadragénaire et maman de deux filles, a toujours marqué sa différence. Mariage imposé à 17 ans, elle divorce – « parce que je n’aimais pas cet homme » – malgré la pression exercée par le groupe familial. Elle monte à 20 ans un commerce indépendant de denrées alimentaires et de tissus en Guinée. Elle rencontre, quelques années plus tard, le père de ses deux enfants. S’en sépare également. Et débarque en France le 9 septembre 2016 avec ses deux filles âgées de 8 ans et 4 ans. Accueil par une association, aides administratives, prise en charge par l’État : une nouvelle vie s’ouvre pour Mariama. « La France m’a tendu la main et délivré un titre de séjour pour mes deux filles afin qu’elles ne retournent pas dans le pays pour subir ces pratiques. » La jeune femme, amputée, sait que ce n’est pas irréversible, « en Afrique, un chirurgien français est venu réparer des femmes », mais c’est au CHU de Poitiers qu’elle prend rendez-vous, en 2017, pour « une reconstruction clitoridienne ». Lire la suite sur lanouvellerepublique.fr