Désir d'enfants : comment accepter son infécondité? (ou celle de son compagnon)

A l'annonce du diagnostic d'infécondité, les hommes et les femmes désirant être parents se retrouvent bien souvent démunis et anéantis. Pour "France-Soir", le psychanalyste Rodolphe Oppenheimer prodigue ses conseils pour aider les couples concernés par ce traumatisme à surmonter cette épreuve.

Lorsque qu’un homme ou une femme est averti de son infertilité alors qu’il ou elle désire un enfant, c’est une partie de la vie et du corps qui meurt en un instant. Agatha Christie avait écrit "La mort n’est pas une fin", en cela l’infertilité non plus. Il faut penser à vivre avec cette différence et surmonter l’écho de ce diagnostic qui vibre dans les oreilles comme des crissements de pneus.

A l’issue d’un dosage hormonale, d’un test de viabilité des spermatozoïdes, d’une échographie ou d’une biopsie de l’endomètre, l’annonce peut être terrible. C’est l’être tout entier, par extension le couple si le sujet n’est pas célibataire, qui subit de plein fouet cette annonce. Des questions se font jour: "Nous n’aurons jamais d’enfants! Que devient notre descendance?" ou bien "Comment mêler notre amour par la naissance de l’enfant?".

Quelle place ai-je dans ce monde si je ne peux procréer?

Les questions fusent et étourdissent la tête et les esprits. Ce sentiment est celui du choc puis la vie reprend son court et laisse place à d’autres sentiments. Très longtemps, la femme était montrée du doigt: "C’est donc vous qui arrêtez notre descendance!". Grâce à la science, nous avons découvert que dans les couples qui ne peuvent avoir d’enfant, très souvent le problème physiologique ou psychologique vient tout autant de l’homme que de la femme. Il est important d’être bien entouré car des sentiments liés à la virilité ou à la féminité, sous couvert de la culture, révèlent certaines idées que l’on peut qualifier d’irrationnelles puisqu’infondées: émasculation ou complexe de castration chez l’homme, femme "incomplète" ou dénuée de féminité.

Des sensations extraordinairement douloureuses naissent souvent de ce constat médical. Le couple comme l’image de soi peuvent vite tourner au cauchemar tant la souffrance et le sentiment "d’impuissance" -au sens propre comme au figuré– peuvent être vécus comme une fatalité. Les spécialistes n’hésitent pas à classer l’infertilité dans la liste des deuils comme ceux engendrés par la perte de parents. Une personne infertile qui ne regardait jamais la vie d’autrui peut se retrouver jalouse de ses amis, de ses collègues, de ses semblables: "Le monde a ce plus que je n’ai pas", "Mon corps m’a tué".

Ces sentiments doivent faire l’objet d’un suivi pour éviter un syndrome dépressif, empêcher de faire naître une agressivité ou une jalousie pathologique. Ce ressenti, aussi douloureux soit-il, reste néanmoins naturel. Dans le cadre d’une reconstruction cognitive, il ne serait pas habile de dire "Tout va bien, vous êtes en vie". Non, tout ne va pas bien mais examinons ce que vous pouvez faire.

Attention à votre image, à votre surmoi. Laissez-vous aider pour maîtriser votre estime de vous et ne pas vous malmener ou vous punir. L’acceptation de cette réalité se fera quand vous aurez décidé d’annoncer à vos proches cette réalité, cette vérité. Il faut un grand courage certes, mais cela fait partie du deuil. Les hommes auront encore plus de mal à verbaliser leur problème. Si 17 à 23% le disent, beaucoup n’aborderont jamais ce sujet malgré des pressions de plus en plus présentes avec l’âge et le temps qui passe. J’ai rencontré grand nombre d’hommes préférant couper les ponts à jamais avec leur partenaire plutôt que de révéler ce qui leur paraissait insurmontable, insupportable. Il ne faut en aucun cas avoir peur des mots ni des maux insoutenables.

Pas d’enfant, mais peut être un enfant?

La question se posera pour les femmes et les hommes désireux d’avoir des petits. Il y a la possibilité d’adopter. De plus, il s’agit d’une question sociétale et politique: les débats recouvrent la PMA ouverte à tous –puisqu’elle l’est pour les couples hétérosexuels– et la GPA –pour l’instant interdite en France. Le renoncement doit être discuté en couple, la communication est extrêmement importante dans ce cas précis. Cette décision doit être prise à deux afin d’offrir au couple une vraie chance de surmonter ce traumatisme.

Prenez votre temps pour bien comprendre, intégrer, intérioriser ce qu’il est possible de faire ou non. N’hésitez pas à prendre plusieurs avis, quel que soit votre choix. L’absence de regret est une garantie contre les remords d’autant plus qu’il s’agit d’un bien long chemin semé d’embuches que d’envisager les alternatives possibles. Lors d’un deuil, on donne la possibilité à un individu de dire "au revoir" au corps du défunt ou de se rendre sur une sépulture. Cependant, dans le cadre d’une infertilité, il ne s’agit pas d’un deuil classique, il y a néanmoins un renoncement à avoir et à accepter.

A présent avec les progrès des sciences et des connaissances biologiques, le domaine psychologique de l’infertilité ne peut pas être oublié. Au total, 15 à 22% des cas d’infertilité -soit un couple sur cinq touché- ne trouvent pas leur origine dans la science ni dans aucun examen médical. De ce constat peut naître des questions et par conséquent il peut être utile d’entamer une analyse pour comprendre ses désirs comme sa culpabilité de mettre ou pas un enfant au monde et comprendre ce que l’on ressent ou ce que symbolise sa propre existence.

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