La petite fille "guérie du sida" qui ne l'est plus : une déception à la hauteur d'un espoir

La formule fut vite consacrée: c’était «un immense espoir». Aujourd’hui cet espoir n’est plus. Le 3 mars 2013, une équipe de chercheurs américains avaient annoncé la première guérison «fonctionnelle» d’un bébé né porteur d’une infection par le VIH transmis par sa mère. Le 10 juillet 2014, ces mêmes chercheurs annoncent que le même virus est réapparu chez la fillette, aujourd’hui âgée de 4 ans.

En mars 2013, le cas avait été documenté dans The New England Journal of Medicine. Premier auteur: le Dr Deborah Persaud, virologue au centre pédiatrique de l’Université Johns Hopkins (Maryland). L’annonce en avait été faite lors de l’ouverture de la 20ème Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes organisée à Atlanta.

«Les médecins ont perdu la trace de la fillette pendant de longs mois et l’ont revue seulement à l’âge de vingt-trois mois. Ils ont appris à cette occasion qu’elle ne prenait plus de traitement depuis l’âge de dix-huit mois, précisait sur son blog Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France 2 présent à la conférence d’Atlanta. Malgré cet arrêt, les examens restaient négatifs, toujours pas de charge virale détectable dans le sang.»

On ne dit pas désespoir

En France, le Pr Francois Barré-Sinoussi , co-lauréate du prix Nobel de médecine 2008 pour la découverte et l’identification du VIH s’était réjouie:

«Nous avons à présent des preuves suggérant que traiter l’infection par le VIH serait possible. Nous devons stimuler le financement de recherches pour les traitements. »

Certains extrapolèrent à tout va. On revoyait déjà l’horizon de l’éradication. L’espérance aide à vivre et l’espoir fait vendre.

Aujourd’hui c’est, au minimum, la déception. Pour ne pas dire le désespoir. Les suites de l’affaire viennent d’être rapportées par le New York Times.

«Généralement, lorsque le traitement est arrêté, les niveaux de VIH remontent en quelques semaines et non en quelques années», explique le Dr Persaud. Un test de routine, au début du mois de juillet, a révélé que la fillette avait à nouveau des niveaux détectables de VIH dans le sang –virémie associée à une baisse des lymphocytes et à la présence d’anticorps anti-VIH.

«C’est bien évidemment un rebondissement très décevant pour l’enfant, les médecins impliqués dans son traitement et les chercheurs spécialisés dans le VIH/sida», a déclaré Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain de l’allergie et des maladies infectieuses (NIAID).

Selon lui, la petite fille, dont l’identité n’a pas été révélée, est de nouveau soumise à des antirétroviraux et se porte bien. Le cas de cet enfant du Mississippi montre que «le traitement précoce aux antirétroviraux n’a pas complètement éradiqué le réservoir de cellules touchées par le VIH. Mais il pourrait avoir considérablement limité son développement et permis d’éviter qu’elle prenne des antirétroviraux pendant une longue période.»

Le Pr Fauci, qui aime parler aux médias, dit aussi aujourd’hui qu’il n’est «pas surpris».

Dans la foulée de ce premier cas, un vaste essai clinique international avait été mis sur pied, incluant 450 nouveau-nés découverts séropositifs à la naissance qui seraient traités à haute dose par trithérapie comme l’avait été le nouveau-né du Mississippi –traitement arrêté au bout de 48 heures en cas de disparition virale. Mais cet essai n’avait pas débuté et tout laisse penser qu’il ne verra pas le jour.

L’Agence France Presse rapporte qu’en début d’année, un cas similaire a été signalé en Californie. Une petite fille née, elle aussi, avec le virus du sida avait été traitée immédiatement aux antirétroviraux. Onze mois après sa naissance, aucune trace d’infection n’était détectée. Ici les médecins continuent de la soumettre aux traitements médicamenteux et n’envisagent pas d’arrêter avant son deuxième anniversaire. Un nouvel espoir?

Source : slate.fr