Faut-il forcer son enfant à prêter ses jouets ?

En tant que parents, on souhaite transmettre à ses enfants des valeurs de partage et on ne veut surtout pas en faire des égoïstes. Mais est-il pour autant nécessaire de les pousser à prêter tout ce qui leur appartient ?

Refuser de prêter ses jouets, un classique des disputes

"Je veux jouer avec ça", "Non, c'est le mien, rends-le moi..." Et là, c'est le drame. Cette scène, je la vis souvent lorsque mes deux petits cousins sont réunis. Evidemment, chacun des parents respectifs intervient pour demander à l'un de prêter ses jouets et à l'autre de lui demander plus gentiment. Entre cousins, entre frères et sœurs, entre petits camarades en classe... La situation est courante et bon nombre de parents sont inquiets de voir leur enfant ne pas être partageur. Le partage et la générosité font partie des valeurs importantes que l'on souhaite généralement transmettre. Evidemment, dans la vie, ce n'est pas facile d'avoir des amis et des interactions sociales si on ne sait pas partager !

Pour autant, cette maman s'interroge sur la marche à suivre : "Mon fils de 5 ans a beaucoup de jouets. Ma fille de 2 ans et demi en a forcément beaucoup moins car on ne va pas racheter tout en double et elle joue avec les anciens et nouveaux jouets de son frère comme lui-aussi aime bien tester les nouveaux jouets de sa sœur. Sauf quand d'un seul coup, dans un moment de rivalité, l'un ou l'autre se met à affirmer la propriété des jouets en question. Là, c'est la bagarre et les rivalités entre frère et sœur, les "c'est à moi", "je ne veux pas te le prêter", "si tu ne me prêtes pas ta poupée, je ne te prêterai pas mon château" fusent dans la maison. Alors j'ai instauré une règle : on est une fratrie, on se prête les jouets pour que chacun en profite. Mais alors, ai-je raison ou dois-je les laisser chacun avec leurs jouets, sachant qu'ils partagent la même chambre, qu'on n'a pas les moyens d'avoir tout en double (et même si on les avait, serait-ce un service à leur rendre que d'acheter tout en double ?) ? Et quand un copain vient à la maison, peut-on tolérer que fiston ou minette se mette à tirer le jouer des mains du copain en disant "c'est à moi, tu me le laisses!" ? J'ai beau expliquer que quand il va chez le copain, celui-ci lui prête ses jouets, qu'il serait bien triste si ce n'était pas le cas, etc., rien n'y fait sur l'instant car ils sont en plein dans leur rivalité", nous écrit-elle. Des questionnements fréquents chez tous les parents, qui aimeraient voir leur enfant prêter sans crise. Pour autant, quand un enfant vient de recevoir un jouet, à Noël ou son anniversaire, est-ce vraiment grave si son premier réflexe est de vouloir le garder pour lui ?


L'enfant a besoin d'affirmer son individualité

Entre 2 et 6 ans, les enfants sont souvent nombrilistes. Ils ont du mal à considérer les besoins d'autrui et seuls comptent leurs désirs. Ainsi, en ce qui concerne les jouets, ils sont à eux et point. L'enfant se sent en sécurité dans son univers et a même besoin de passer par cette phase auto-centrée. Elle l'aide à structurer son identité d'individu et à s'approprier les choses, pour ensuite pouvoir donner à l'autre sincèrement. C'est tout à fait normal dans le développement de l'enfant et cela ne témoigne pas d'un manque de générosité ou d'altruisme. Dans un même temps, cette phase s'associe à une phase d'opposition, fameuse phase du non, que connaissent tous les enfants (et tous les parents). Là encore, c'est un moyen d'affirmer leur individualité notamment face à leurs parents.

Ainsi, en ce qui concerne le partage, comme pour beaucoup de sujets d'éducation, il faut avoir des attentes réalistes en fonction de l'âge de l'enfant."On attend d'un enfant encore immature des comportements que l'on n'a pas toujours en tant qu'adulte. Quand on a une paire de chaussures neuves, on aime être la première à les porter. Il arrive ensuite de les prêter quand on le demande, mais ça vient rarement à l'idée de quelqu'un de demander à quelqu'un d'autre de tout de suite céder ses affaires neuves",  estime Clémence Prompsy, psychologue fondatrice du cabinet Kidz et Family dans notre podcast Jeu d'enfants. D'ailleurs, selon notre MagicNanny Jill Bird, "avant 4 ans, un enfant ne comprend pas vraiment le sens du mot. L'apprentissage du partage peut commencer vers 5 ou 6 ans, sans en attendre trop de notre enfant."

Ne pas obliger un enfant à prêter tous ses jouets

Nos deux spécialistes en éducation sont donc assez unanimes : il ne faut pas s'alarmer si notre enfant n'est pas prompt à prêter ses affaires. "Si votre enfant ne veut pas partager ses jouets les plus précieux ou ceux qu'il vient de recevoir, ce n'est pas grave", confirme Jill Bird. Commencez par lui laisser le temps de découvrir un jouet qu’il vient tout juste de recevoir avant de lui demander de le partager. Ensuite, vous pouvez par exemple décider ensemble des jouets qu'elle veut ranger ou cacher avant d'inviter des amis ou garder dans sa chambre pour ne pas y jouer pour l'instant avec son frère ou sa soeur. Installez par ailleurs les jouets qu'il est d'accord de partager dans un espace de jeu commun, comme le salon ou la salle de jeux.

"Vous pouvez marquer votre désapprobation et l'inciter à être plus généreux. Mais avant cela, essayez de comprendre ses émotions. Pourquoi il ne veut pas prêter ? Vous pouvez également essayer de lui faire comprendre les émotions de l'autre enfant, à qui il a refusé de prêter, voir à qui il a arraché des mains un jouet. Vous pouvez lui demander ce qu'il ressentirait aussi à sa place. Mais ne le forcez pas à le faire et ne le punissez pas, car partager doit devenir pour lui un acte spontané, de plein gré. Encouragez-le  plutôt en le félicitant lorsqu’il accepte de se séparer d’un objet. Et montrez l’exemple : si vous vous montrez généreux, votre enfant prendra modèle sur vous", propose Clémence Prompsy.

Comment apprendre à son enfant à partager ?

L'apprentissage ne se fera pas dans la contrainte, et se fera surtout pas à pas. Vous pouvez commencer par installer les enfants dans un espace suffisamment grand pour jouer côte à côte. Aidez ensuite votre enfant à nommer ce qui lui appartient (vêtements, jouets, lit, etc.), ce qui appartient à ses frères et soeurs et ce qui appartient à tout le monde comme le salon, la télévision, un jeu de société... Lire plus sur magicmaman.com