Série "Black and White" : portrait d'une femme "libre" dans un pays sous tutelle

La série de 4 épisodes, diffusée sur France 3, dépeint la vie d'une journaliste sénégalaise qui s'éprend d'un officier français pendant la colonisation.

Début des années 30, colonie française du Sénégal. Fari Ciss, Sénégalaise de sang royal, est alors la seule journaliste africaine de l'empire. Ce sont ses aventures amoureuses et politiques sur fond de tensions coloniales et de guerre que la mini-série Black and White, diffusée les 10 et 17 décembre 2020 sur France 3, narre en quatre épisodes. Au Jour de Dakar, où elle travaille, Fari utilise sa plume pour dénoncer notamment le traitement réservé aux "autochtones" dont le "Code de l'indigénat" établit les droits et les devoirs, les réduisant ainsi à des "citoyens de seconde zone".

Mais bientôt, la jeune femme tombe amoureuse d'un colon français, Alain de Bourbon, officier des Tirailleurs incarné par le comédien Olivier Chantreau. Leur liaison, puis leur mariage, fait jaser surtout dans une communauté française raciste. Fari n'en a cure. "C'est une femme forte et libre qui exprime ses idées et ses convictions. Elle est journaliste et a déjà tout d'une certaine manière parce que c'est une princesse élevée avec certaines valeurs", confie à franceinfo Afrique Marème N'Diaye, la comédienne franco-sénégalaise qui donne corps à Fari. "Elle me ressemble un petit peu dans le sens où je n'ai pas besoin d'autorisation pour dire ce que je pense, ce que je représente en tant que femme."

"Deux amours" : Dakar et Paris

Un personnage de caractère rencontré lors d'un voyage dans le temps effectué, non sans mal, par Marème N'Diaye qui n'a connu qu'un Sénégal indépendant. "Nous sommes à l'époque coloniale, sanglante et raciste où on a le sentiment d'être emprisonné, explique Marème N'Diaye. Par conséquent, retourner dans le Sénégal des années 30 pour jouer un rôle est une démarche qui n'est pas facile. Je me suis documentée en consultant des archives pour voir comment les femmes se comportaient dans le temps. J'ai également utilisé ce que j'ai appris à l'école."

Amie de Léopold Sédar Senghor, le père de l'indépendance sénégalaise dont elle sera un soutien politique bien que ne partageant pas toutes ses convictions, Fari est de tous les combats contre l'injustice et l'oppression, y compris celui contre le nazisme. A l'image de ses enfants, les convictions de Fari sont métisses et complexes. Elle reprend à son compte la célèbre formule de la chanteuse américaine Joséphine Baker : ses "deux amours" sont Dakar et Paris. Et ce, au sens propre comme au sens figuré, quitte à nager à contre-courant.

Hymne au vivre-ensemble

L'intérêt de Black and White se trouve dans le personnage de Fari que l'on suit des années 30 aux premières revendications indépendantistes, une Africaine engagée aussi bien dans son Sénégal natal, sous le joug français, que pour la France confrontée à l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Comme dans toute fiction qui s'appuie sur l'Histoire, les partis pris du scénariste et producteur de la série Jacques Kirsner peuvent faire débat, d'autant plus que le sujet de la colonisation est toujours sensible.

"Il y a l'histoire violente, faite de trahisons, de haine et de non-dits. Il y a eu la résistance, l'oppression... Mais aujourd'hui, le plus important est de se demander ce qu'on doit faire après tout ça, estime Marème N'Diaye. Ne devons-nous pas essayer d'avancer ensemble pour un avenir meilleur, non pas pour nous, mais pour nos enfants ? En tant que femme, je n'ai pas envie que mes enfants ou petits-enfants subissent cela, qu'on leur dise dès leur bas âge qu'ils sont différents, qu'ils sont noirs. C'est insupportable. Ca va être compliqué car on ne peut pas effacer certaines choses, mais on peut essayer d'avancer ensemble. Ce sera beaucoup plus simple pour tout le monde et surtout pour les génération futures".

Cet hymne au vivre-ensemble est le message que porte, parfois maladroitement, la série Black and White réalisée par le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa. Il reste néanmoins audible au moment où les questions raciales continuent de faire l'actualité.