Faire plus de bébés pour soutenir l`économie, martèle le président tanzanien

Le chef de l’Etat tanzanien, John Magufuli a appelé les femmes de son pays à arrêter la contraception afin de favoriser la croissance du pays. Une sortie qui a suscité une levée de boucliers d’activistes et internautes tanzaniens.

La limitation des naissances ? Le président tanzanien n’y croit pas, mieux, n’en veut pas. Alors que nombre de pays africains s’alignent sur les recommandations des agences mondiales de développement concernant le planning familial, John Magufuli estime pour sa part que les Tanzaniennes devraient avoir davantage d’enfants. Objectif assumé, encourager la croissance économique du pays.

La théorie du dirigeant tanzanien est simple, plus la natalité sera élevée, plus la main-d’oeuvre locale aidera à dynamiser l‘économie du pays l’aidant ainsi à devenir une puissance régionale. M. Magufuli en veut pour preuve le cas de la Chine. « Lorsque vous avez une population nombreuse, vous construisez votre économie. C’est la raison pour laquelle l’économie de la Chine est si importante », a-t-il déclaré mardi soir, citant également les exemples de l’Inde et du Nigeria comme bénéficiant d’un dividende démographique.

« Je sais que ceux qui aiment les contraceptifs vont se plaindre de mes propos. Libérez vos ovaires, laissez-les bloquer les leurs », a-t-il déclaré mardi lors d’une réunion à Chato, sa ville d’origine. John Magufuli n’en était pas à son premier fait d’armes. En septembre 2018, il avait soutenu pareille position.

Sujet à polémique

La croissance économique de la Tanzanie s‘établit actuellement entre 6 et 7 %. Un rythme soutenu emmené par la politique d’industrialisation initiée par le président Magufuli depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Mais le pays de quelque 55 millions d’habitants est encore loin d’avoir endigué la pauvreté. Si elle a régressé de 26 % en 2016, le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté reste relativement élevé. Et selon la Banque mondiale et l’UNFPA, cela est dû au taux de croissance démographique élevé.

En effet, expliquent ces institutions, la population tanzanienne augmente d’environ 2,7 % par an, alors que la plupart des hôpitaux et écoles publics sont surpeuplés et que de nombreux jeunes n’ont toujours pas accès à l’emploi.

Cette analyse est également soutenue par certains activistes et internautes. « La forte croissance démographique en Tanzanie signifie une augmentation des niveaux de pauvreté et d’inégalité des revenus », a glissé sous couvert de l’anonymat un activiste des droits de l’homme basé à Dar es Salaam. « Les ovaires des femmes ne devraient jamais être utilisés comme un moyen de rechercher la croissance économique », a-t-il ajouté. Pour une internaute tanzanienne, les propos du président sont tout simplement ahurissants. « En tant qu’une femme moderne, je ne peux y croire… Surtout venant de lui (le président, Ndlr) », s’est exclamée une utilisatrice de Twitter.

La question de la natalité est un sujet à controverse sur le continent. En 2017, quelque temps seulement après son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron avait choqué l’opinion en accusant les femmes africaines de surnatalité. Un point de vue rejeté par de nombreux intellectuels en Afrique et en France, mais que le président français a assumé à plusieurs reprises.