Le gavage des femmes en Mauritanie

La Mauritanie, ou République islamique de Mauritanie (forme longue), est un pays du Maghreb situé dans le nord-ouest de l’Afrique. Le gavage est une tradition mauritanienne qui consiste à faire grossir les femmes mauritaniennes pour les embellir ; car pour les mauritaniens, être grosse est un critère de beauté.

En Mauritanie, l’obésité est un canon de la beauté féminine chanté par les poètes : les filles sont« gavées » dès leur plus jeune âge.

Alors que le gavage des jeunes filles est en déclin en Mauritanie, en particulier dans les zones urbaines, de nombreuses filles et femmes utilisent volontairement de nouvelles méthodes encore plus dangereuses afin de parvenir à un corps grassouillet, un symbole d’opulence dans le pays.

« Le gavage est maintenant pratiquement une chose du passé; elle est généralement limitée aux zones rurales éloignées », annonce Zeinabou Mint Taleb Moussa, présidente de l’ Association mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME). « Mais les jeunes femmes qui veulent prendre du poids et recourent à des moyens extrêmes pour le faire. Ceci est en effet une réalité.»

Des Mauritaniens ont affirmé à Réseaux d’information régionaux des affaires récentes dans lesquelles les jeunes femmes sont mortes à cause de la prise de médicaments – y compris les produits destinés au bétail, pour le gain de poids.

Bien que les normes esthétiques évoluent lentement et certaines femmes refusent une pratique dévastatrice pour forcer leur corps à un gain de poids, traditionnellement en Mauritanie, le visage bien rond d’une femme signifie la richesse et le bien-être. Depuis des générations, les familles ont nourri de force leurs filles de plusieurs litres de lait de vache ou de lait de chamelle par jour, en partie pour améliorer leurs perspectives de mariage.

Un proverbe du groupe ethnique maure de la Mauritanie affirme : « La femme occupe dans le coeur de son homme de l’espace qu’elle occupe dans son lit. »

Mais dans ces dernières années, malgré les avertissements de santé, des filles et des femmes se tournent vers d’autres méthodes encore plus drastiques, comme la prise de produits contenant de la cortisone, incluant ceux destinés à attribuer un gain de poids aux bovins; des sirops développant l’appétit et même des médicaments psychotropes.

Un membre de l’AMSME qui requiert l’anonymat nous a dit « Il y a quelques mois, ma cousine est allée au village pour se préparer pour son mariage. Cette préparation comprenait qu’elle devait être engraissée. Elle est morte d’une surdose de médicaments destinés à procurer un gain de poids. »

La Mauritanie est le seul pays africain où la tradition du gavage existe toujours. Quand les fillettes atteignent l’âge de six ans, elles sont forcées par leur mère à manger et à boire d'énormes quantités de nourriture, souvent pendant toute la nuit.

Dans un autre cas, une jeune fille dans un bidonville de la capitale Nouakchott vient de mourir après avoir pris des médicaments conçus pour les bovins, selon Souleimane Cherif, le président de l’association des pharmaciens de la Mauritanie.

Le sociologue Mohameden Ould Ekahe stipule que l’une des drogues destinées aux animaux que les femmes consomment afin d’engraisser est localement connue sous le nom de « dregdreg », un mot d’origine hassanya (maure) qui voudrait dire « trépidation du coeur», pour l’un des dangers sur la santé que cela peut poser. “Elles veulent être conformes aux normes d’une société en amour avec les grosses femmes », dit-il.

Ces produits sont faciles à obtenir et cela fait partie du problème selon Cherif.

“La règlementation n’est pas strictement appliquée principalement en raison des bénéfices engrangés dans certains secteurs médicaux, dit-il, outre les ressources de l’État qui sont relativement limitées.” Pourtant, les autorités ont fait des efforts au cours des trois dernières années, en retirant certains produits sur les marchés.  »

Malgré ces efforts et une loi en 2010 prévoyant des peines plus sévères pour les ventes de médicaments en situation irrégulières, n’importe qui peut acheter ces produits sur les marchés et en pharmacies. Il est difficile de dire combien d’argent est dépensé sur ces produits à ces fins, parce que l’essentiel de ce commerce se pratique sur le marché noir.

Beaucoup de femmes mauritaniennes demandent la pilule contraceptive dans le seul but du gain de poids potentiel, a déclaré Anna Fall, une sage-femme qui travaille au centre de santé dans un quartier défavorisé de Nouakchott.

Une personne souffrant d’obésité court pourtant plusieurs risques : la menace de maladies cardio-vasculaires, insuffisance rénale, arthrose, Apnée du sommeil, le diabète et l’hypertension artérielle pour ne nommer que quelques-uns. La plupart des femmes ne savent pas que ces médicaments et drogues sont dangereux, sinon elles ne les comméraient pas. C’est aussi une question d’alphabétisation. Le taux d’alphabétisation des Mauritaniens est pourtant de 55.8 % (2007) ce qui signifie 62.49 % pour les femmes et 70.01 % pour les hommes.

Il n’y a pas que ça, la pression sociale et les normes de longue date persistent encore.

Marième Diallo, une femme de 53 ans, a été nourri de force à l’adolescence. Ses deux filles, de 14 et 19 ans sont minces et refusent de prendre du poids. Mme Diallo affirme qu’elle ne les force pas, et c’est pour cette raison qu’elle est tournée en dérision par ses amies. « Récemment, ma voisine est venue me voir en me disant que ce n’est pas normal et qu’il est déshonorant pour ma famille que mes filles soient minces. Elle voulait les amener au village afin de les faire prendre du poids. ”

Certains hommes mauritaniens, trouve encore aujourd’hui cela humiliant d’avoir une femme maigre.

Paradoxalement, l’obésité a un coût économique, provenant notamment de l’accroissement des dépenses médicales induites et d’une plus faible productivité au travail.

Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail, “Les études ont montré que le risque d’absentéisme est deux fois plus élevé chez les travailleurs obèses que chez les travailleurs sains. L’obésité représente 2 à 7 pour cent des dépenses totales de santé dans les pays industrialisés. Aux États-Unis, on estime le coût occasionné par l’obésité à 99,2 milliards de dollars.”

Aux États-Unis, les dépenses médicales d’une personne obèse en 2008 sont supérieures de 36% à celle des personnes ayant un poids normal. Dans ce même pays en 2005, près de 16 % du budget de la santé serait consacré aux maladies en rapport avec l’obésité.

 

Source : lencrenoir.com