L'éducation sexuelle à l'ère des réseaux sociaux, quelles conséquences

Il faudrait avoir vécu dans une grotte depuis trente ans pour ne pas avoir remarqué que les réseaux sociaux ont pris une place prépondérante dans nos sociétés modernes. Que ce soit pour communiquer, s'informer ou échanger, les Twitter, Instagram et autres YouTube nous donnent de nombreuses options.

Si l'actualité, le divertissement et le sport sont des sujets incontournables sur ces réseaux, il y a un qui est plus discret : l'éducation sexuelle. Il n'est cependant pas inexistant et constitue même pour certains une activité à temps plein. C'est notamment le cas de Florence Valiquette-Savoie et Estelle Cazelais, deux jeunes sexologues qui ont créé en 2015 Les ateliers SexURL, un organisme dédié à l’éducation sexuelle dans les écoles et les organismes communautaires. Elles ont aussi lancé en complément à ce travail de terrain le site Réfléchir à ça! où l'on trouve notamment des «capsules sexo-éducatives pour les jeunes et les moins jeunes en quête de réponses» que l'on retrouve aussi sur leur chaîne YouTube. 

Pour Florence Valiquette, co-directrice des ateliers SexURL et sexologue, les plateformes comme YouTube se sont vite imposées comme des moyens de diffusion évidents. «Il y a un côté interactif qui est très intéressant à utiliser quand on parle d'éducation sexuelle et on peut à la fois faire passer des informations sérieuses tout en gardant une touche d'humour et notre personnalité, dit la spécialiste. Tout le défi est bien sûr de synthétiser l'information, de la rendre accessible et d'être capable de la faire passer en trois minutes».

Si les sujets abordés sont sérieux, le ton reste en effet léger et la bonne humeur communicative des intervenantes permet de décomplexer les jeunes internautes pour qui la sexualité peut être un sujet tabou. C'est en majorité des jeunes filles qui consultent le site et les capsules, mais parfois, ce sont aussi les parents. «On ne vole évidemment pas la place des parents ou des intervenantes, des infirmières, en fait nous sommes complémentaires, l'éducation sexuelle est tout sauf une compétition, continue Florence Valiquette. Les vidéos permettent parfois de briser la glace disons, d'aborder un sujet tabou plus simplement». La section Pose ta question permet «aux adolescent(e)s en quête de réponse, mais aussi aux parents, aux tuteurs, aux intervenant(e)s, aux enseignant(e)s qui souhaitent mieux comprendre les réalités vécues par les adolescent(e)s; ou même qui se questionnent sur leur propre sexualité» de le faire.

La jouissance sur Instagram

June est une Française qui anime le compte Instagram au nom qui ne cache en rien ses intentions : Jouissance Club. Elle l'alimente de ses propres illustrations et de phrases sur la sexualité, mais avant tout le plaisir. «Je commençais à m'ennuyer dans ma vie sexuelle, je voulais montrer qu'on pouvait être plus créatif et aller au-delà de la pénétration, nous confie-t-elle. Au début, le compte s'adressait en priorité aux hommes de 30 ans, mais je me suis aperçue que ça intéressait aussi des filles, des jeunes, des trans, non binaires, bref tout le monde!».

Le choix de la plateforme Instagram n'est pas anodin puisque la jeune femme est illustratrice de métier. June ne joue pas aux sexologues, ne parle pas d'anatomie, mais plus de ressenti. «Tous les conseils que je donne sont validés par moi-même, j'ai essayé tout ce dont je parle, je suis curieuse, j'explore beaucoup. Je vois mon compte un peu comme un livre de cuisine avec plein de recettes différentes que les gens peuvent essayer quand ils sont en manque d'inspiration. En revanche, je ne fais que des suggestions, je ne leur dis pas de faire comme ci ou comme ça car il faut toujours composer avec la personne qu'on a en face».

June reconnaît les limites de l'éducation sexuelle via les réseaux sociaux. «Ce sont des bases qui sont données, on ne peut évidemment pas apprendre à faire l'amour sur Instagram, c'est impossible». Même son de cloche du côté de la sexologue de SexURL, «Le web ne permet pas vraiment de faire de suivi comme on peut le faire en atelier, on ne peut donc pas voir l'impact de ce que l'on fait, on se limite aux commentaires, mais ce n'est pas un gros feedback».

Ils ne remplaceront sans doute pas le travail sur le terrain des professionnels de l'éducation sexuelle, mais la balado-diffusion, les sites informatifs et les réseaux-sociaux sont autant de portes d'entrées pour aborder sans complexe toutes les questions que les jeunes générations se posent bien légitimement.