L'Oréal : ne dites plus crème ``blanchissante`` mais qui ``donne de l'éclat``

Depuis la décision du géant mondial de la cosmétique, L'Oréal, de supprimer les mots "blanchir" ou "blanchissant" dans la présentation de ses produits, la polémique ne cesse d'enfler. Sur les réseaux sociaux, de nombreux.ses internautes appellent au boycott de la marque derrière les mots dièse #JarretelOreal ou encore #JeboycottelOreal, certains y voyant un marketing "opportuniste", en pleine mobilisation mondiale anti-raciste.

L'Oréal au coeur d'un "bad buzz"... parce qu'il le valait bien ?

"Le groupe L'Oréal a décidé de retirer les mots blanc/blanchissant (white/whitening), clair (fair/fairness, light/lightening) de tous ses produits destinés à uniformiser la peau", lit-on dans le communiqué publié en anglais samedi 27 juin, sans plus de détails, notamment sur un retrait immédiat ou non de ses produits des rayons.

Le groupe français, géant mondial de la cosmétique, se retrouve depuis plusieurs jours au coeur d'une polémique, qui s'inscrit dans un contexte de mobilisation mondiale anti-raciste, venue des Etats-Unis à la suite de la mort de George Floyd, afro-américain, asphyxié par un policier blanc à Minneapolis.

"Nous avons, semble-t-il, mal expliqué les choses", reconnait un dirigeant de L'Oréal dans Le Figaro, tout en cherchant à désamorcer la crise : "En Inde et en Asie, nous observons depuis quelques mois un mouvement sociétal. Les nouvelles générations de consommateurs sont moins à l’aise avec l’appellation “whitening”. Or nous adaptons en permanence le nom de nos gammes, nos publicités et nos promesses produits." "Les produits de soin dont la fonction est d’uniformiser la peau, de protéger des UV et d’atténuer les taches brunes sont traditionnellement désignés par l’appellation ‘whitening’, explique-t-il, L’Oréal n’entend d’ailleurs pas retirer ces produits des rayons, le changement cosmétique ne concernant que ‘les campagnes de communication et les emballages". Les termes "white et "fair" seront remplacés par "glow" (éclat) et "even" (uniformisation), précise encore le dirigeant du géant du cosmétique

Selon lui cette évolution est "engagée depuis de longs mois" et n’a rien à voir avec l’emballement des marques à réagir au mouvement Black Lives Matter, jugeant "ridicule" cet amalgame.

"Culte de la blancheur de la peau"

Sur les réseaux, nombre d'internautes critiquent cette annonce mais ça ne s'arrête pas là. Une campagne de boycott de la marque via le #BoycottLoreal ou #JarreteLoreal est en cours. L'outil de veille des réseaux sociaux Visibrain observe que "la récente actualité autour du groupe L’Oréal a suscité 157.835 tweets (depuis l'annonce, NDLR), soit 9 fois plus de messages qu’en temps normal. Parmi ces messages, 72.195 appellent directement au boycott de la marque", apprend-on sur BFM-Bourse. Le sujet s’est même classé en tête des "trending topics", c’est à dire des sujets les plus commentés.

Si beaucoup dénoncent cette annonce de L'Oréal, d'autres soulignent le problème plus profond que cette polémique soulève, celui des produits dits blanchissants. C'est ce que remarque la journaliste et militante Rokhaya Diallo. "Si j’ai bien compris le groupe L’Oreal supprime les mots «blanc/blanchissant» de ses produits mais maintient la vente de ces cosmétiques destinés à éclaircir les peau « mates » et noires? C’est donc ok de continuer à se faire de l’argent sur ce désastre?", écrit-elle dans un tweet, invitant les internautes à se pencher sur les recherches liées aux produits de dépigmentation de la peau, dont certains sont interdits en Afrique.

Culte de blancheur de la peau, stéréotypes racistes ... Des mouvements sont depuis longtemps à l'action pour dénoncer ces produits, dont certains peuvent comporter un danger pour la santé des femmes qui les utilisent, parfois depuis des années. Dans certains pays, leur vente est illégale, et pourtant on les trouve encore très facilement sur les étals des marchés. Peu avant l'annonce de L'Oréal, l'écrivaine féministe Ndey Fatou Kane dénoncait sur sa page Facebook une autre marque, dont l'égérie faisait la promotion sur son compte instagram.

Un effet "Black lives matter" ?

Aux Etats-Unis surtout, mais aussi en France, en Inde ou en Australie, les marques sont sous pression devant la colère exprimée depuis la mort fin mai de George Floyd. L'Oréal n'est pas la seule à avoir pris ce genre d'engagement. Depuis plusieurs semaines les entreprises multiplient les initiatives, quand il s'agit de modifier une identité visuelle encore chargée de stéréotypes raciaux.

La filiale indienne d'Unilever a choisi de rebaptiser sa crème éclaircissante "Fair & Lovely". L'entreprise anglo-néerlandaise a promis de ne plus recourir au mot "Fair", se disant "engagée à célébrer tous les tons de peau".

En Inde les crèmes éclaircissantes sont prisées notamment des stars de Bollywood. Mais l'une d'elles, Priyanka Chopra, s'est retrouvée vouée aux gémonies sur les médias sociaux pour avoir soutenu le mouvement Black Lives Matter tout en gardant son rôle d'ambassadrice pour une de ces marques.

Aux Etats-Unis, le géant américain Johnson and Johnson a décidé d'aller plus loin, en interdisant cette semaine la vente de substances éclaircissantes conçues pour l'Asie et le Moyen-Orient. "Le débat des dernières semaines a mis en évidence le fait que certains noms ou promesses figurant sur nos produits Neutrogena et Clean & Clear visant à réduire les taches, représentaient la blancheur ou la clarté comme étant meilleures que votre teint, unique", déplore le groupe dans un communiqué cité par la radio publique américaine NPR et le New York Times. "Cela n'a jamais été notre intention: une peau en bonne santé, c'est ça une belle peau", ajoute Johnson and Johnson, en annonçant la fin de ses lignes Neutrogena Fine Fairness et Clear Fairness by Clean & Clear.

Le marché des produits éclaircissant ne faiblit pas bien au contraire. L'Asie détient la plus grande part de ce marché. Selon une étude de l’OMS, 40% des femmes interrogées à Taïwan, Hong-Kong, les Philippines, en Malaisie et en Corée ont recours à ce type de produits. Au Nigeria, ces traitements ont un succès énorme, souligne encore l’OMS : 77% des femmes (soit plus de 60 millions de personnes) les utilisent de manière régulière. À l’échelle mondiale, ce marché s’élève déjà à 17,8 milliards d'euros et pourrait atteindre les 27,7 milliards d’ici 2024.