Violences sexuelles : comment sensibiliser mon enfant pour qu’il s’en protège

Apprendre à connaître son corps et à respecter celui des autres, lui parler de la notion de consentement, ouvrir le dialogue en l’écoutant avec bienveillance… Voici quelques conseils pour sensibiliser son enfant aux  violences sexuelles. 

Selon une étude IPSOS menée en 2019, 165 000 enfants, dont 130 000 filles et 35 000 garçons âgés d’en moyenne 10 ans, sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. “C’est un réel problème de santé publique” déplorent le Docteur Laurence Dulière, pédiatre et Sabine Walbert, psychologue clinicienne. Toutes deux travaillent dans le service de pédiatrie générale et spécialisée du CHU de Reims au sein de la Cellule d’Accueil Spécialisée de l’Enfance Maltraitée (CASEM) avec pour mission : accueillir les enfants victimes et leurs familles pour confirmer ou infirmer un diagnostic de maltraitance et orienter vers les services adéquats. “Annuellement, 400 à 500 enfants sont reçus sur rendez-vous ou en urgence”,  signalent-elles. 

Les deux spécialistes définissent dans un premier temps ce que l’on entend par violences sexuelles. “Il s’agit de l’implication d’enfants et d’adolescents dans une activité sexuelle qu’ils ne peuvent comprendre en fonction de leur développement” indiquent-elles. “Celle-ci peut être exercée avec ou sans violence physique, avec ou sans contact. Cette définition englobe toutes les formes de violences sexuelles, à savoir les viols ou tentatives de viol, les attouchements, les avances de nature sexuelle, l’exhibition…”

La réalité des violences sexuelles commises sur les enfants 

Force est de constater que les violences sexuelles ne sont pas toujours ce que nous imaginons. “On pense le plus souvent à un inconnu, dans la rue, qui viole une petite fille”. Les deux spécialistes démontent cette idée reçue. “La réalité est toute autre. La plupart du temps il ne s’agit pas d’un inconnu. Dans 80 à 90% des cas, l'enfant connaît son agresseur puisqu’il fait partie de son milieu familial ou de son entourage proche”. Par ailleurs “les agressions ont rarement lieu dans la rue mais deux fois sur trois au domicile de l’enfant”, précisent le Dr. Dulière et Sabine Walbert. 
Par ailleurs, les violences sexuelles ne se réduisent pas seulement aux viols. “Ceux-ci ne représentent que 15 à 20% des violences sexuelles chez l’enfant. Les caresses ou attouchements sont plus fréquents, de l’ordre de 80 %. La violence physique est rarement utilisée par l’auteur puisque, faisant partie des proches, il a souvent un rapport d’autorité sur l’enfant. De fait, il utilise plutôt les menaces ou la manipulation affective telles que le chantage, les promesses, les cadeaux”. 

Dernier point : si 80% des enfants concernés sont des filles, les garçons sont aussi des victimes qui se taisent davantage. “Quant aux auteurs des agressions, 90 % sont de sexe masculin mais il est vraisemblable que le nombre de cas de femmes auteurs soit plus élevé”. 

L’exposition à la pornographie via les écrans

Depuis une quinzaine d’années, le Dr. Dulière et Sabine Walbert sont “frappées” par l’augmentation de cette forme de violence sexuelle : “c’est une agression, certes sans contact, mais qui a des conséquences particulièrement graves. Les enfants que l’on rencontre témoignent de l’intrusion d’une image, d’une scène de sexe qui fait « choc » et bouleverse leur développement, allant jusqu’à engendrer des troubles sexuels connotés d’agressivité”, déplorent-elles. “Les enfants y sont exposés de plus en plus jeunes. Un enfant sur 3 a déjà vu un film classé X à l’âge de 12 ans, ils sont au moins un sur 2 à l’âge de 15 ans. La première exposition accidentelle a lieu parfois dès l’âge de 8 à 9 ans”. Le risque : reproduire ce qui a été visualisé, notamment pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité d’en parler. “Les auteurs d’agressions sexuelles sont des mineurs une fois sur 4 »

Faut-il sensibiliser son enfant au risque de violences sexuelles ? 

Les deux spécialistes sont formelles : une sensibilisation aux violences sexuelles doit faire partie intégrante de l’éducation de l’enfant pour lutter contre ce fléau. Elle doit de plus être précoce pour deux raisons : “en prévenant les enfants, on leur apprend à se protéger et à savoir demander de l’aide” et “en abordant le sujet avec eux au préalable, on les autorise à en parler plus facilement s’ils y sont confrontés et on leur permet de recevoir plus précocement le soutien des adultes”.  
Les enfants concernés peuvent s’enfermer dans le silence parfois des années avant d’en parler à un proche. “Ils ont peur de la réaction parentale, peur de ne pas être crus, d’être punis, d’être confrontés à l’agresseur, de décevoir… Ils peuvent également avoir fait l’objet de menaces ou être en proie à un sentiment de honte, d’autant qu’ils se sentent bien souvent responsables de ce qu’ils ont subi”.
En d’autres termes, en parler permet de donner aux enfants les armes nécessaires pour éviter le mutisme et ainsi amoindrir les répercussions psychologiques à long terme. “Le but de la sensibilisation n’est bien sûr pas de les effrayer mais au contraire de les rassurer en leur promettant que leurs parents seront là pour les protéger si une personne franchit les limites de leur intimité”. 

Parler du risque des violences sexuelles

- Dénommer les parties du corps, première étape à la sensibilisation 

Pour la psychologue clinicienne et la pédiatre, il faut sortir de l’idée qu’il y a un âge à proprement parler. “La sensibilisation débute d’abord par la dénomination des différentes parties du corps, par exemple lors de la toilette : la tête, le cou, les épaules, le nombril…”. 
“Cette nomination va de pair avec la connaissance de la différence entre les garçons et les filles”, recommandent-elles. “Une partie n’est pas identique, désignée comme 'partie intime' car elle est 'cachée sous la culotte, le slip, le maillot de bain' et l’on ne peut 'pas la montrer à tout le monde'… Sauf lorsqu’il a besoin d’aide pour se laver et s’essuyer, ou lorsqu’il a une douleur”. “À ce propos il existe une palette d’expressions propres à chaque famille 'zizi, zézette, lune, mounette, foufoune, vagin ou pénis…'"

- Autoriser son enfant à pouvoir dire non 

Dès que possible, il est essentiel de favoriser dès que possible une autonomisation progressive concernant les soins d’hygiène et l’habillement. “Dans le même temps, il est important de leur apprendre les codes sociaux tels que fermer une porte, toquer avant d’entrer… Mais aussi d’identifier les espaces privés que sont la salle de bain, les toilettes, sa chambre et celle des autres. L’ensemble va permettre de développer la question autour du respect de l’intimité de chacun”, ajoutent la pédiatre et la psychologue.
L’enfant doit pouvoir exprimer, dans son rapport au corps, ce qu’il peut accepter et ne pas accepter, ses limites et ce qui le gêne. Aux adultes de l’autoriser à être respecté dans ses besoins de câlins, de bisous, de chatouilles… Mais aussi dans celui de se retrouver seul. Cela contribue à lui permettre de refuser certaines demandes ou gestes qui le mettent mal à l’aise, comme par exemple : le ou la voisin.e qui le caresse sur la tête, le frère ou la sœur qui entre dans la salle de bain ou les toilettes. 
“Il faut ajouter que même s’il s’agit d’une personne proche, qu’il aime, que celle-ci lui demande de garder le secret,  parle de jeu ou le menace, il doit absolument s’en défendre et en parler”. Lui rappeler à ce propos que la loi le protège et qu’il doit absolument oser dire non.

- Parler des notions de sexualité progressivement

Pour ne pas angoisser l’enfant, il convient de le sensibiliser le plus naturellement possible au fil de son développement. “Sa curiosité en matière de sexualité est normale et elle évolue avec l’âge. Les questions qu’il pose ne doivent pas être éludées”. D’abord, l’enfant acquiert la notion de différenciation sexuelle, puis en grandissant, notamment à l’occasion d’une naissance dans l’entourage, il s’intéresse à la conception des enfants. Plus tard encore, il se questionne : “faire l’amour, c’est quoi ?”. 
“Il faudra, à tout âge, tenir compte de ses demandes de connaissances sans les devancer et après avoir vérifié ce qu’il sait sur le sujet : « Et toi ? Comment tu penses qu’on fait les bébés ? » L’inviter à revenir vers l’adulte s’il a d’autres questions”. Il faut éviter les messages indiquant à l’enfant qu’il n’a pas le droit de parler de sexualité. “Il risquerait de chercher par lui-même dans la cour de récréation ou sur internet”. 

Apprendre le consentement 

“Il est essentiel d’expliquer aux enfants cette notion", rappellent la pédiatre et la psychologue. “Le consentement, c’est accepter de faire quelque chose librement, sans y  être contraint ni forcé, ce qui va de pair avec la notion de réciprocité”. 
Ainsi, il est également important de lui apprendre à respecter le non-consentement des autres, c’est-à-dire qu’il ne peut contraindre un autre enfant qui exprime son désaccord ou le manifeste par sa gestuelle... Lire la suite sur Doctissimo