Décollement placentaire : quels sont les risques ?

Le décollement placentaire correspond à une perte d'adhésion du placenta à la paroi de l'utérus, consécutive à un hématome. Selon le stade de la grossesse auquel il survient, mais aussi son siège et son importance, les situations cliniques se révèlent très différentes : sans danger au 1er trimestre, graves au 3ème trimestre.

Qu'est-ce qu'un décollement placentaire ?

Comme son nom l'indique, il s'agit d'un décollement du placenta, autrement dit perte de l'adhésion du placenta à la paroi de l'utérus. Cela se produit normalement après l'accouchement (c'est la délivrance), mais il arrive que ce décollement soit pathologique et qu'il arrive au cours d'une grossesse.

On parle de décollement trophoblastique pendant les deux premiers mois, puis de décollement placentaire à partir du 3ème mois, lorsque l'embryon devient fœtus et que le trophoblaste prend le nom de placenta.

Le décollement du placenta est très fréquent. Environ 15 à 20 % des grossesses seraient concernées.

Décollement placentaire : symptômes et diagnostic

Les symptômes suivants peuvent évoquer un décollement placentaire :

- Pertes de sang ;

- Douleur ultra violente à l'abdomen ;

- Ventre soudainement très dur ;

- Contractions.

Dans ces cas, n'attendez pas et consultez rapidement un médecin, car les risques pour bébé peuvent être plus ou moins graves. Pour diagnostiquer un décollement placentaire, une échographie est réalisée. Elle révèle la présence d'un hématome dont l'examen aidera à déterminer la taille et l'importance.

Décollement placentaire : les causes

La survenue d'un décollement placentaire est souvent imprévisible.

Toutefois, des facteurs de risque existent et justifient une surveillance particulière de la grossesse :

- Pré-éclampsie ;

- Hypertension artérielle ;

- Grossesse après 35 ans ;

- Décollement placentaire lors d'une précédente grossesse ;

- Tabagisme ;

- Cocaïnomanie ;

- Traumatisme abdominal.

Le Pr Henri-Jean Philippe insiste sur l'importance de la prévention du décollement placentaire : "La tension artérielle est en général bien surveillée, mais le tabagisme, la cocaïnomanie ou les violences conjugales peuvent aussi avoir des conséquences dramatiques. Ne restez pas seule avec de tels problèmes. Une aide au sevrage tabagique, une cure de désintoxication ou une aide en cas de violences conjugales peuvent être mises en place dès le début de la grossesse, mais aussi à tout moment. Les violences conjugales s'observent dans tous milieux, elles ne sont pas rares pendant la grossesse. Elles font courir un risque d'hématome rétro-placentaire qui peut être méconnu des médecins. Votre obstétricien et votre sage-femme sont là pour veiller à votre santé et à celle de votre bébé : si vous êtes dans une situation à risque d'hématome rétro-placentaire, il faut leur en parler", conseille-t-il.

Quels sont les risques au 1er trimestre de grossesse ?

C'est grâce au placenta que le bébé se nourrit et respire dans le ventre de sa mère. Si une partie importante du placenta se décolle, le bébé est donc privé d'oxygène. L'échographie permet notamment de détecter la persistance d'un rythme cardiaque chez le fœtus.

Une bonne activité cardiaque chez le fœtus

Lorsque l'échographie retrouve une activité cardiaque chez l'embryon ou le fœtus, le pronostic est en général très favorable, 80 à 90 % de ces hématomes régressant spontanément. Sont considérés comme facteurs de moins bon pronostic un hématome qui persiste plus de deux mois.

Pas d'activité cardiaque chez le fœtus

Lorsqu'aucune activité cardiaque n'est retrouvée, l'hématome peut être un signe révélateur d'une fausse couche spontanée. Celle-ci s'évacuera spontanément dans les trois-quarts des cas, mais peut parfois nécessiter un traitement médicamenteux pour favoriser l'expulsion, voire un curetage.

Une fausse-couche est une situation "malheureusement très fréquente, il faut retenir qu'une fausse-couche n'empêche pas une grossesse ultérieure d'être menée à terme, parfois très rapidement après", tient à rassurer le Pr Philippe.

Ces fausses couches isolées doivent être cependant différenciées des fausses couches à répétition. A partir de 3 fausses couches spontanées, des explorations sont nécessaires, car en dehors des anomalies chromosomiques chez l'embryon, elles peuvent être liées à des pathologies de la mère que l'on peut traiter : malformations du col du l'utérus et de l'utérus, anomalies hormonales ou de l'immunité, exceptionnellement des infections.

Quels sont les risques au 2ème et 3ème trimestre de grossesse ?

Retenons que tout saignement au 2ème trimestre ou 3ème trimestre de la grossesse, même minime, doit faire consulter en urgence.

 

À noter qu'un décollement placentaire est plus fréquent au 3ème trimestre qu'au 2ème trimestre. Il peut correspondre à un hématome décidual marginal ou à un hématome rétro-placentaire, lequel est une urgence obstétricale absolue.

L'hématome décidual marginal

Cet hématome relativement bénin correspond à la rupture d'une veine située au pôle inférieur d'un placenta normalement inséré. Il entraîne un saignement en général noirâtre et peu abondant, rarement de sang rouge. Le décollement placentaire est partiel et n'interrompt pas la circulation entre la mère et le fœtus. Il est en général compatible avec la poursuite de la grossesse. La possibilité d'évolution vers un réel hématome rétro-placentaire justifie une surveillance intensive.

L'hématome rétro-placentaire

L'hématome rétro-placentaire se définit par un décollement prématuré d'un placenta normalement inséré.

Il interrompt une partie plus ou moins importante de la circulation sanguine entre la mère et le fœtus, provoque une souffrance fœtale et peut entraîner la mort du fœtus in utéro.

Plusieurs symptômes cliniques doivent alerter :

- Une douleur à l'abdomen en coup de poignard, permanente et très intense ;

- Un saignement gynécologique de sang noirâtre, souvent peu abondant ;

- Des nausées, une sensation de faiblesse voire une syncope ;

- Un ventre douloureux, dur comme du bois.

Mais les symptômes sont parfois plus discrets, limités à des contractions accompagnées de petits saignements.

Que les signes soient mineurs ou majeurs, consultez en urgence : l'hématome rétro-placentaire peut en effet mettre en danger la vie du fœtus et celle de la mère.

Que faire lors d'un décollement placentaire ?

Si le décollement placentaire survient en début de grossesse et que l'hématome n'est pas important, cela n'empêche pas la grossesse de continuer. Néanmoins, il faut un repos absolu ainsi qu'une grande surveillance pour que l'hématome puisse se résorber.

Dans sa forme la plus grave - survenant au 3ème trimestre - et surtout en cas d'hématome rétro-placentaire, il y a urgence pour l'enfant à naître : le fœtus souffre du manque d'oxygène, il risque la mort in utéro. La césarienne pour extraction fœtale s'impose en extrême urgence si le fœtus est vivant et viable. La mortalité périnatale est comprise entre 30 et 50 % des cas.

 

Il y a plus rarement urgence pour la mère : un état de choc et des troubles de la coagulation peuvent survenir secondairement, à l'origine d'une hémorragie massive, exceptionnelle. La mortalité maternelle est rare mais possible dans 1 à 2 % des cas.

Prévenir le décollement placentaire

Il n'existe aucune mesure ou recommandation clinique concernant la prévention du décollement placentaire. Néanmoins, le Pr Henri-Jean Philippe, chef du service de Gynécologie Obstétrique du CHU de Nantes, souligne que "les recommandations de repos et/ou d'abstinence sexuelle, la prescription d'antispasmodiques et d'arrêts de travail se fondent, en l'absence d'études cliniques, sur le principe de précaution. On a peur (est-ce à tort ou à raison ?) que la grossesse soit menacée. En limitant les contractions, le repos pourrait donc être bénéfique. Le recours à un traitement hormonal, en revanche, n'est pas indiqué".