En Côte d'Ivoire, un père jugé pour avoir marié sa fille de 11 ans

Un Ivoirien a comparu devant le tribunal de Bouaké, dans le centre du pays, pour avoir marié sa fille, jeune adolescente, à un homme nettement plus âgé. Une première en Côte d'Ivoire. Un an de prison ferme a été requis contre lui.

C’est le premier procès du genre en Côte d’Ivoire. Hamed, un père de famille, a été jugé, le 22 octobre à Bouaké, pour ‘’une union précoce et forcée’’ sur sa fille Aïcha, officiellement âgée de 11ans. Cette dernière a été mariée à l'un de ses cousins faisant plus du double de son âge.

Le sort d'Hamed, contre qui un an de prison ferme et une amende ont été requis, sera connu ce mercredi. Le parquet a affirmé s'être montré "clément" tout en envoyant "un signal fort" aux Ivoiriens, afin qu'ils "dénoncent ce genre de pratique", a affirmé la substitut du procureur Rosine Koné.

Mi-octobre, le directeur de l'école d'Aïcha - une élève de CM2 - a signalé à l’ONG, Jakawili ("Solidarité" en langue malinké), la situation de la jeune adolescente. Alertées, les forces de l’ordre ont retrouvé Aïcha, "un voile sur la tête" durant son mariage, selon la description du procès verbal. L'époux, représenté par sa famille, n'était pas présent à la cérémonie.

La jeune fille avait vraisemblablement accepté d’épouser ce cousin plus âgé, selon le récit qu’elle a fait à la police. "Cela a été possible parce que je ne veux pas aller à l'école", avait-elle indiqué, toujours selon le procès-verbal.

"Consentante"

Le père a quant à lui indiqué, durant le procès, que sa fille était en réalité âgée de 14 ans. Cette incertitude au sujet de son âge serait due au fait qu’elle est mentalement "un peu lente", a rapporté son entourage. Hamed a par ailleurs affirmé ignorer "que le mariage était interdit aux mineurs".

"Je suis moi-même enfant d'une grande famille africaine", s’est justifié ce tailleur de 37 ans. "C'est ma famille qui a pris cette décision. J'aurais pu m'y opposer, mais ma fille était consentante. Aujourd'hui, je me demande si c'était vraiment le cas."

"Le prophète a marié notre mère à l'âge de neuf ans", a ajouté le frère du prévenu, Moussa Touré, en guise d’explications. "La religion musulmane dit que quand la femme a ses premières menstrues, elle peut se marier."

« Les mariages précoces ou forcés, ce sont des choses qu'on justifie par la tradition, la moralité ou la religion", a reconnu Rosine Koné. Mais dorénavant, "chaque fois que nous serons informés, nous irons jusqu'au bout".

"Comme un commerce"

Les parents disent généralement marier leurs filles jeunes pour éviter des grossesses hors mariage, synonymes de honte pour la famille, explique Martin Kouassi, coordonnateur des projets de l'ONG, qui indique avoir empêché sept unions précoces cette année, contre 20 en 2013. "En réalité, ils préfèrent les marier à de riches commerçants pour être à l'abri du besoin. C'est comme un commerce qui ne dit pas son nom", déplore-t-il.

À son retour en classe, il y a une semaine, Aïcha a du être rassurée. "Ce n'était pas du tout facile pour elle", a raconté le chef d'établissement, Baba Coulibaly. "Il a fallu lui dire que ce qui s'est passé n'est pas de sa faute."

Outre la déscolarisation systématique qu'ils engendrent pour la jeune épouse, les mariages provoquent des grossesses précoces et à répétition, engendrant une hausse de la mortalité maternelle.

Selon l'ONU, les unions de mineures avec des hommes plus âgés se révèlent d'une désespérante banalité dans 41 pays au monde, dont 30 se trouvent sur le continent africain. La Côte d'Ivoire, qui fait partie des mauvais élèves dans le domaine, voit 12 % de ses filles mariées avant l'âge de 15 ans et 36 % avant l'âge de 18 ans, d'après un rapport du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) à paraître prochainement.

Source : AFP

Les prénoms ont été modifiés.