Condamnées à sourire : les hôtesses de l`air indonésiennes bientôt privées de masque ?

"Hospitalité" et sexisme font bon ménage : la compagnie aérienne Garuda Indonesia devrait abandonner le port des masques pour ses hôtesses de l'air suite à de nombreuses plaintes émanant des passagers. La raison ? Les hôtesses doivent sourire, fut-ce au péril de leur vie.

La compagnie aérienne nationale Garuda Indonesia souhaite abandonner le port des masques après que les passagers se soient plaints de ne pas voir les sourires du personnel. On croirait lire le titre d'un article du Gorafi, mais non : c'est une nouvelle tout à fait sérieuse que nous apprend le Jakarta Post. Selon le quotidien, bien des hôtesses de l'air seraient effectivement forcées de délaisser leurs masques fissa, et ce malgré la progression du coronavirus en Indonésie. Car cela ne fait pas assez "chic".

Un masque contre un sourire, avouez que le marché semble peu fiable en terme de santé et de sécurité du personnel. C'est pour cela que Garuda Indonesia envisage tout de même de remplacer lesdits masques par "une autre forme d'équipement de protection individuelle", poursuit le journal. L'idée ? Rétablir quoi qu'il en soit une "perception de l'hospitalité" traditionnelle a priori chamboulée par le port de ce bout de tissu.

Par-delà l'atmosphère anxiogène relative à la pandémie de coronavirus, les passagers seraient dérangés par le fait "de ne pas savoir si l'hôtesse sourit ou fronce les sourcils", déplore encore le directeur de la compagnie Irfan Setiaputra. Ou quand l'injonction au sourire outrepasse les limites du raisonnable...
Le sourire par-delà la santé ?

 "Deux choses sont importantes pour la compagnie Garuda en ce moment, la sécurité et le confort. Mais la première reste prioritaire sur la seconde", a cependant poursuivi Irfan Setiaputra. C'est d'ailleurs pour cette raison que le directeur compte, dans les semaines à venir, munir son personnel de bord d'écrans faciaux de protection - à savoir, ces visières transparentes qui permettent de protéger son visage sans pour autant en dissimuler la moitié. En plus des gants que les hôtesses portent déjà.

"Nous évaluons continuellement la pertinence et la sécurité de l'équipement de protection pour nos équipages en termes de réglementations en vigueur en matière de sécurité des vols, tout en cherchant également à fournir un excellent service", a par ailleurs déclaré la compagnie à l'unisson. Nous voilà rassurés. Ou pas. Il n'empêche, ce bouleversement relatif de la sécurité en faveur du fameux "service" rappelle cette obligation sociale, source de jugements hâtifs, dont font l'objet les femmes, et plus encore les hôtesses : sourire, encore et toujours.

C'est d'ailleurs ce que fustige cette enquête du Nouvel Obs : les hôtesses font partie, à l'instar des téléconseillères ou des vendeuses (pour ne citer qu'elles), du large panel des "ouvriers émotionnels". Leur grand niveau de stress - et autres pressions psychologiques quotidiennes - va de paire avec leur sourire continuel, de façade, qu'elles doivent afficher comme elles le feraient d'une tenue professionnelle, qu'importe la situation. Une exigence de bonne humeur si systémique et emblématique qu'on pourrait lui attribuer un nom : "le syndrome de l'hôtesse de l'air". Or, cette absence d'extériorisation peut être source d'anxiété. Voire de burn-out.
Une situation qui interroge d'autant plus que la pandémie de Covid-19 est loin d'être terminée en Indonésie. C'est même l'inverse. Comme le détaille effectivement Courrier International, elle progresse de semaine en semaine. On dénombre déjà 42 762 cas de contaminations et pas moins de 2 339 décès.