Tenin Diawara, la chanteuse qui bouscule la société guinéenne

Tenin Diawara sortait ce vendredi 25 mars son deuxième album, à l’occasion d’un concert dédicace au Palais du Peuple de Conakry. Intitulé Guineya, ce nouvel opus de 20 titres reprend ce qui fait son succès depuis déjà trois ans : musique dansante, spontanéité et textes engagés. Rencontre avec "la reine de Banian".          

Banian, c’est ce village du côté de Faranah, en Haute Guinée, où Tenin Diawara a passé son enfance et auquel elle ne cesse de rendre hommage dans ses chansons. Issue d’une "lignée de griots", sa mère et son père sont musiciens. Elle chante dans les cérémonies, lui, joue de la guitare. Ce sont des parents absents. "J’ai grandi dans une famille nombreuse. Je devais rester à la maison pour m’occuper de mes frères et sœurs. Je n’ai pas pu aller à l’école, j’aurais aimé pouvoir le faire."

La jeune femme de 28 ans parle avec une extrême sincérité des moments difficiles de sa vie, sans jamais s’apitoyer sur son sort. C’est cette capacité à évoquer des sujets délicats, avec beaucoup de justesse, qui fait aujourd’hui la singularité de Tenin Diawara dans le paysage musical guinéen.
Ses chansons cumulent des centaines de milliers de vues sur Youtube et traitent de sujets de société, parfois douloureux. Pour n’en citer que quelques-uns : le diktat de la blancheur et les méfaits de la dépigmentation, le matérialisme qui finit par remplacer les sentiments dans la relation amoureuse, les violences faites aux femmes.                   

Tenin Diawara nous reçoit dans sa chambre d’hôtel quelques heures seulement avant de monter sur scène. Détendue. Elle termine ses phrases par des éclats de rire, chante ou se lance dans des improvisations. Tenin Diawara compose ses mélodies et imagine ses paroles comme ça, aussi simplement.
Une idée lui vient, elle fonce en studio l’enregistrer. "Elle peut très bien être inspirée par cette interview et faire une chanson à partir de ça", s’amuse son manager, Irénée Bangoura. À la fois chargé de communication, tourneur et ami, sous ses multiples casquettes, il la couve du regard.
Scandale 

Visage sans maquillage encadré d’une perruque orange. C’est le seul artifice que Tenin Diawara arbore ce jour-là. Mais quand on lui pose la question, un brin espiègle : est-ce que vous pensez faire une chanson pour encourager les Africaines à assumer leurs cheveux ? Elle répond sans hésiter et joint le geste à la parole, en tirant sa tignasse lisse en matière synthétique. Dessous, se dessinent des tresses plaquées. Elle affiche alors un sourire fier.       

L’un de ses titres résume son état d’esprit. Dans N'fatara pigna, ("j'ai bien fait" en français), sorti en 2020, elle encourage les Guinéens à s'affranchir du regard des autres.
Dans le clip, elle n'hésite pas à s'entourer de danseurs efféminés. Elle a été très critiquée pour ça. "Des gens ont dit qu’elle voulait imposer l’homosexualité." Mais Tenin Diawara assume : "Chacun fait ce qu’il a envie de faire."

Le scandale culmine en janvier 2021, lors d’un concert à Kamsar. Sur scène, un jeune homme soulève son vêtement et dévoile ses fesses nues. La carrière de la chanteuse est chahutée. Tenin Diawara est interdite de spectacle. "Ses frères artistes attendaient sa chute", se remémore Irénée Bangoura. Mais au bout de quelques semaines, la sanction est levée et l’interprète s’autorise même la sortie d’une nouvelle composition. Échec est un pied de nez à ses détracteurs. 
Cette ville de Kamsar, Tenin Diawara la connaît bien. À l’âge de 13 ans, elle est envoyée chez sa tante, chanteuse, dans la cité portuaire de la Basse-Côte, à quelques kilomètres de la frontière bissau-guinéenne. Sûre du talent de la petite Tenin, qui se produit dans les cérémonies depuis qu’elle a 7 ans, sa maman souhaite qu’elle se perfectionne auprès de sa sœur...LIRE LA SUITE SUR RFI