Arabie Saoudite : Aziza Youssef se bat pour que les saoudiennes se libèrent de leurs tuteurs

Dans ce royaume ultraconservateur, les femmes ont besoin de l'autorisation d'un tuteur pour travailler, étudier ou voyager. Des milliers de Saoudiens ont signé ces derniers jours une pétition appelant à l'abolition de ce système de tutelle.

"J’avais été arrêtée par la police, puis détenue durant 7h. J’avais été libérée seulement après que mon époux ne s'engage à ne plus me laisser conduire." Trois ans après les faits, Aziza Youssef garde un souvenir amer de son interpellation en 2013. Son crime à l'époque ? Avoir pris le volant dans les rues de Ryad. Une initiative interdite dans la capitale et dans le reste de l’Arabie Saoudite, où les femmes vivent sous la tutelle de leurs époux. Une entrave contre laquelle lutte encore cette activiste : sa pétition appelant à mettre fin au système a recueilli cette semaine près de 15.000 signatures.

Directement adressée au roi Salmane, la lettre va être transmise ces prochains jours par email au cabinet royal. Aziza Youssef aurait préféré s’adresser directement à ce cabinet. Mais ce dernier a refusé lundi de l’accueillir. "Les manifestations sont interdites en Arabie Saoudite, nous devons rester prudentes et ne rien faire qui s’opposent aux lois", explique-t-elle depuis Ryad. C’est là où cette universitaire à la retraite tente d’améliorer le quotidien des femmes : "Le gouvernement nous autorise à travailler seulement si notre tuteur donne son accord. C’est la même chose pour étudier, pour voyager, pour accéder à des soins médicaux… il y a d’innombrables petits détails du quotidien qu’une femme ne peut pas accomplir sans permission."

"Il ne s'agit pas d'un combat contre l'islam"

En Arabie Saoudite, le tuteur est en principe le père ou le mari. Mais il peut être aussi un frère, un fils ou un neveu, en vertu d’une stricte application de la loi islamique. Ainsi, une ex-prisonnière doit être remise à un tuteur lors de sa libération. Cela signifie donc qu'une détenue peut être maintenue en prison si son tuteur refuse de l'accueillir. Des règles aberrantes, pour Aziza Youssef, persuadée qu’il suffirait d’un rien pour que les choses changent : "Nous voulons que le gouvernement choisisse un âge à partir duquel une femme devient "majeure", afin d’être une citoyenne à part entière. Un âge à partir duquel elles deviennent adultes et responsables de leurs propres actes. C’est tout ce que nous voulons."

Pour Aziza Youssef, le combat en faveur des femmes saoudiennes a débuté en 2009. "A l’époque, nous avons commencé à faire des réunions pour expliquer qu’il ne s’agissait pas d’un combat contre l’islam, mais contre le gouvernement. Un message encore difficile à faire passer aujourd’hui, en témoigne le peu de signatures  recueillies. Mais il faut bien comprendre que beaucoup de Saoudiens n’osent pas signer par peur de s'en prendre au gouvernement."

Les mentalités changent cependant peu à peu dans ce grand pays du Golfe. Contrairement à ses précédentes campagnes, Aziza Youssef a reçu cette fois-ci le soutien de plusieurs hommes. Rien de surprenant, selon l’activiste : "Il faut bien comprendre que ce n’est pas un combat contre eux. D’ailleurs, eux-mêmes souffrent de ce système, ils sont également impactés. C’est avant tout un combat contre pour défendre des droits humains."

 

Source : lci.fr