Mme Diabaté Massogbè Touré, PDG de la société SITA: ``L`entreprenariat n`a pas d`appartenance politique ni de sexe.``

Mère de cinq enfants, Mme Diabaté Massogbè TOURE est la fondatrice et le PDG de la société SITA (Société Ivoirienne de transformation de l'Anacarde), Membre du Conseil d’Administration du patronat Ivoirien, la CGECI (Confédération Générale des Entreprise de Côte d’Ivoire), elle préside la CDEF (Commission pour le Développement de l’Entrepreneuriat Féminin). En 2000, elle monte la Société ivoirienne de traitement d’anacarde (SITA), la première usine de transformation du produit dans le pays, qui se dispute désormais le marché ivoirien de la transformation de noix de cajou. Ses priorités ? L’aide aux femmes entrepreneures.

Raconter nos votre parcours ?

C’est aussi simple, je suis venue à l’agriculture par amour, par passion. Je n’ai pas cette formation. Très jeune, j’ai épousé l’esprit entrepreneurial par rapport à mes parents. Mon papa était transporteur et ma mère une bonne commerçante. C’est dans cet environnement que nous avons été élevé mes sœurs et moi et nous avons pris goût. Après mes études, j’ai travaillé dans une boite internationale et j’ai démissionné par la suite pour me mettre à mon propre compte. Je suis retournée dans mon village et j’ai commencé à développer la culture de la noix de cajou. Depuis 1980, je suis dans cette filière jusqu’aujourd’hui.

Pourquoi avoir choisir l’Anacarde ?

Je suis originaire d’Odienné et c’est une région qui a été classé comme l’une des régions les plus pauvres de la Côte d’Ivoire. Là-bas, la population se consacre à l’agriculture, basée sur la culture de riz et de coton. Etant sur un relief plateau et face à tous les aléas, tout l’espoir reposait alors sur une seule culture qui s’accommodait facilement avec le climat et le relief, d’où la pauvreté extrême. Il y avait beaucoup de disparités régionales et les jeunes partaient dans les grandes villes pour avoir des lendemains meilleurs ce qui fit croitre considérablement le taux de l’exode rural. Fort de ces constats, nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose pour développer notre région car personne ne le fera à notre place. Vous convenez avec moi que c’est l’espoir de millions de jeunes aujourd’hui. Et nous pouvons dire que nous avons réussi notre pari parce que grâce à cette culture, nous sommes premier producteur africain, bientôt mondiale et premier exportateur de noix brute. Ce titre nous rends fière mais ne nous honore pas totalement parce que le défi pour nous est de transformer localement toute la production nationale. Il faut anticiper, être visionnaire. Pour pérenniser, il ne faut pas s’arrêter à la production, il faut aussi transformer. Imaginons un instant que l’Asie arrête de payer notre matière première, ceci marquera la fin de notre filière parce que n’ayant pas appris à transformer nous dépendrons toujours des autres. Nous pourrions ainsi passer de simple agriculteur à industriel et vendre ainsi notre pays la Côte d’Ivoire à l’international.

Au début, travailler dans cette industrie était très difficile car trop de préjugés et personne n’y croyait. Du coup on disait que les ivoiriennes n’avaient pas le savoir faire, que c’était réservé aux femmes indiennes. Nous l’avons fait et aujourd’hui nous sommes satisfaits. Nos produits sont vendus à l’étranger, sur les marchés américains et européens. C’est un succès car étant ivoirien on peut pouvoir faire, l’agriculture passé à l’industrie voir même exporter. Les produits amandes-cajou sont appréciés de tous. C’est ce modèle que nous voulons mettre à la disposition des ivoiriens afin de partager plus de 30 ans d’expériences. Nous sommes à la disposition pour partager notre expérience. Cette expertise au lieu de la vendre aux autres gratuitement, je voudrais la mettre à la disposition de mes parents, des ivoiriens pour que effectivement, nous sommes premiers producteur africain et que nous soyons aussi premier transformateur africain. Si nous arrivons à transformer l’ensemble de nos productions, c’est des millions d’emplois que nous allons créer. L’avantage est qu’il sera décentralisé, c’est en milieu rurale et du coup cela va permettre de désengorger le milieu urbain et permettre aussi de fixer les jeunes sur place sur leur milieu habituel.

Aujourd’hui, nous avons inversé la tendance , les jeunes prennent maintenant l’initiative de retourner à la terre au vue de tous les avantages qu’il y a à cultiver la noix de cajou notamment la lutte contre le réchauffement climatique avec un changement pluviométrique du a nos cultures, la lutte contre l’insécurité, la déforestation, la pauvreté et l’exode rural. Aujourd’hui certaines personnes ont décidés de revenir en Côte d’ivoire pour s’investir dans la culture de l’anacarde et les transformer. Nous avons cette satisfaction, mais notre vœu est de transformer toute la production car c’est nous les précurseurs, la génération sacrifiée. Les zones avant qu’on appelait zone de savane aride, aujourd’hui tout est vert, pratiquement durant toute l’année et cela grâce à l’anacardier. Nous voulons avoir, notre valeur ajoutée.

Vous avez monté des coopératives agricoles, notamment auprès des femmes. Quels types d’accompagnements leur apporter vous?

Sachez que ce n’est pas seulement les coopératives de femmes mais aussi des coopératives dirigées par des hommes. Pour moi, accompagner c’est partager mon expérience, leur apprendre les bonnes pratiques, les former sur les techniques de Plantine afin d’avoir une meilleure qualité de récolte et de production. De sorte que les produits issus de leurs plantations soient toujours les meilleures. Nous les aidons à êtres des semi-industriels. Nous avons pour projets d’installer de petites unités dans ces grandes zones productrices de noix de cajou.

Revenons à votre poste de présidente de la CDEF (Commission pour le Développement de l’Entrepreneuriat Féminin). Comment en êtes vous devenus la présidente ?

C’est un long parcours, car à l’origine, au sein de la CGECI (Confédération Générale des Entreprise de Côte d’Ivoire), il n’avait pas de poste identifiant le rôle de la femme au niveau patronale, ils y avaient de grands présidents de commission pour tous les secteurs d’activité mais pas de commission spécifique dédié à l’entreprenariat féminin. Et la aussi c’est le lieu pour moi de rendre hommage au président de la CGECI, Jean Kacou DIAGOU qui a répondu favorablement à notre requête en créant cette commission dont j’assure la présidence.

Aujourd’hui, il est question de donner des responsabilités aux femmes voir même 30 %, qu’en ai t-il de la situation sur le terrain ?

Ceci est un débat politique, or je suis une femme entrepreneure. Nous sommes sure d’une chose, de part notre activité, nous créons des emplois. Tout ce que nous femmes entrepreneurs demandons c’est qu’on reconnaisse nos valeurs intrinsèques, qu’on nous crée un environnement propice aux affaires pour le développement de nos différentes activités, afin de faire valoir nos connaissances. Nous parlons beaucoup plus développement de l’économie, je travaille avec elles et je sais que les femmes sont très battantes. Nous organisons des réunions, des forums, des ateliers ou nous réunissons de nombreuses femmes de divers secteurs d’activités, de tous les niveaux.

Nous sommes entrain de nous battre pour enlever ces épines là sur nos chemins pour pouvoir avancer. L’entreprenariat n’a pas d’appartenance politique. Il faut se battre, il n’ y a pas de métier typique aux hommes. Un manager c’est un manager qu’il soit femme ou homme. Nous femmes entrepreneurs nous nous disons qu’on peut tout faire. On peut aller ou les hommes peuvent et on peut souvent surpasser leurs limites. Et celles qui sont toujours hésitantes, nous faisons des ateliers pour qu’elles se fassent confiance. Je reçois les jeunes filles, je leur donne des conseils, je leur apporte mon soutien en les motivant pour qu’elles aient confiance en elles et savoir qu’il ne faut pas baisser les bras lorsqu’il y a des obstacles. Ce n’est pas facile et c’est tout ça les réalités du manager.

Qu’est-ce-que les femmes mènent comme action concrète pour relever ce secteur ?

Il y a beaucoup de femmes compétentes dans différents secteurs, certaines sont connues et d’autres non. Elles sont toutes compétentes mais ne savent pas comment évoluer. Comme vous le saviez il y a la pesanteur culturelle, les femmes n’étaient pas bien vues au départ au devant des affaires. C’est un travail de longue haleine que nous sommes entrain de faire pour pouvoir atteindre l’autonomisation des femmes. On a bon espoir qu’on puisse réussir un jour.

Aujourd’hui nous avons un gouvernement qui est favorable au développement et à l’épanouissement des femmes. Le Président le dit à chaque fois que l’occasion lui est donnée. Il dit qu’ : ''il accorde une importance capitale aux préoccupations des femmes.’’ Que dire de mieux, c’est a nous maintenant de saisir la pèche pour pouvoir s’écouter, s’unir, s’entendre afin de proposer des projets de développement au gouvernement. Il faut qu’il y ait une solidarité pour qu’on puisse mener des actions concrètes.

Si vous devez faire un bilan…

Au point ou nous en sommes, je ne peux faire de bilan, la course n’est pas encore finie. Tant qu’on marche on balance les bras et on avance toujours. C’est sur la bonne voie, la commission n’a que 3 à 4 ans, déjà nous avons beaucoup de choses à notre actif, mais on se dit que ce n’est pas trop. Faites nous encore confiance, on va essayera d’être à la hauteur.

Quels sont vos actions futures ?

Nous voulons voir un groupe de femmes préoccupées par le développement de l’économie, d’opératrices économiques en Cote d’ivoire qui porte, qui donne la voie. Moi j’emploie 800 personnes et je veux qu’elles fassent pareil et même plus. Ensemble nous allons y arriver, seules c’est impossibles, mais ensemble oui car il y beaucoup de compétences. Il m’appartient d’aller vers ces femmes hésitent encore à se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat, de les guider pour lever haut et fort le message des femmes opérateurs économiques de Cote d’ivoire.

Quelles sont les qualités qu’une femme doit avoir pour réussir dans les affaires ?

La première qualité qu’une femme entreprenante doit avoir, c’est la passion, aimer ce qu’on fait et être persévérant, patient, savoir analyser le temps et enfin avoir la carapace dure. Il arrive des jours ou le moral est à terre, des jours ou on est prêt à tout abandonner mais il faut tenir. Aujourd’hui tu peux manger du caviar et demain chercher de l’eau et c’est ça la vie entrepreneuriale. Il faut se faire confiance. Ceux qui sont grand aujourd’hui on commencé petit pour être la ou ils sont.je suis un modèle pour certaine femmes mais je ne peux pas encore parler de « succes story » comme le dit les américains parce que beaucoup reste à faire. Donc je me dis que chaque femme,à tous les niveaux doit se fait confiance, qu’elle croit en ce qu’elle fait. C’est très important, ne pas hésiter. Se dire qu’on peut le faire et y arriver.

Comment arrivez-vous à concilier vos activités professionnelles et votre vie de famille ?

Il ne faut pas confondre les choux et les carottes. La vie de famille c’est la vie de famille, je suis une maman de cinq enfants, une mère poule mais une mère qui s’est donné des câlins et des fessées quand il le faut. Je suis la PDG qui dirige une société, un personnel et j’assume aussi toutes les activités familiales. Il faut avoir l’art de pouvoir jumeler, savoir faire le discernement et la part des choses. Du coup vous avancez mieux. Tu as beau être le grand patron d’une société, tu demeures une femme au foyer. La vie familiale est très importante dans la vie et il faut savoir concilier les deux. Il faut savoir ce qu’on veut. C’est une obligation de savoir concilier la vie de famille et la vie professionnelle. Toutes les femmes sont des chefs d’entreprises parce que la maison est une entreprise d’autant plus qu’elles arrivent à gérer leur mari, leur foyer, l’éducation des enfants.

 

Mam Dieng