La sexualité des adolescents séropositifs

L’infection à VIH a des effets négatifs sur la vie sexuelle des adolescents séropositifs, quel que soit leur mode de contamination. Une grande proportion se trouve dans une situation d’abstinence sexuelle, notamment ceux nés séropositifs, chez qui l’entrée dans la sexualité se ferait plus tardivement. Parmi les sexuellement actifs, près de la moitié ont des rapports non protégés. L’infection par le VIH génère un climat d’anxiété et d’insatisfaction influençant les comportements et les pratiques sexuels, et perturbant la qualité de vie sexuelle.

Une grande majorité d’entre eux a été contaminée par voie maternofœtale. L’importante diminution de la morbidité et de la mortalité de ces enfants permet maintenant le passage à l’âge adulte et l’éclosion de la problématique sexuelle pour ces adolescents.

Une analyse des données de la littérature portant sur la sexualité des adolescents séropositifs

L’étude a observé :

- La façon dont la sexualité des adolescents séropositifs était envisagée et traitée à travers ces études ;

- Les dimensions de la sexualité étudiées de manière privilégiée, et celles qui étaient moins abordées ;

- Les retentissements psychologiques et comportementaux du VIH sur la vie sexuelle et la vie en général de ces adolescents.

Un corpus de quelques ouvrages et de 54 articles a été retenu pour cette étude. Ces articles ont été rédigés principalement par des chercheurs, des universitaires, des médecins, des psychologues et quelques gynécologues.

Des différences dans l’activité sexuelle selon le mode de contamination

L’entrée dans la sexualité est globalement plus tardive chez les jeunes nés infectés par le VIH. Beaucoup d’entre eux ont une activité sexuelle moindre par rapport aux jeunes contaminés par voie sexuelle.

Entre 1/3 et la moitié des adolescents contaminés (modes de contamination confondus) sont sexuellement actifs après la contamination, soit une proportion proche de celle des adolescents non contaminés.

Une propension au multipartenariat

88,9 % des adolescents d’une étude américaine rapportent avoir de nombreux partenaires. Les garçons auraient plus de partenaires, partenaires souvent plus à risque, des rapports plus jeunes, et davantage de rapports non protégés que les filles.

Le multipartenariat pourrait être expliqué par les changements fréquents de partenaire pour éviter la révélation de la séropositivité, notamment pour les adolescents contaminés par voie maternofœtale. Pour la même raison, ces derniers ont tendance à retarder l’échéance de la première relation sexuelle.

Une situation d’abstinence sexuelle partielle ou totale pour une large minorité

La peur de contaminer le ou la partenaire et la peur de la révélation du statut sérologique sont mises en avant pour expliquer ce phénomène, notamment pour les adolescents contaminés par transmission verticale.

Le taux d’abstinence sexuelle s’accroît avec l’âge sans commune mesure avec la population générale. Mais, les taux d’inactivité sexuelle des groupes les plus jeunes resteraient similaires à ceux que l’on observe dans la population générale.

La proportion des personnes abstinentes serait plus élevée :

- chez les adolescentes que chez les adolescents ;

- chez les personnes séropositives consommatrices de drogues.

La consommation de drogues par injections intraveineuses est souvent liée à une forte dégradation de l’image de soi, de sa désirabilité, de la capacité d’érotisation et de la qualité des rapports sociaux, expliquant l’abstinence sexuelle.

Une plus grande utilisation du préservatif chez les jeunes contaminés que chez les non-contaminés

Une large proportion déclare utiliser le préservatif de manière systématique. Cependant, une importante minorité continue d’avoir des rapports non protégés malgré la parfaite connaissance des modes de transmission du virus et de la nécessité du port du préservatif pour éviter toute contamination.

Ces comportements à risque seraient favorisés par :

- la consommation de drogues ou d’alcool, répandue dans cette population ;

- la peur de révéler sa sérologie positive au partenaire sexuel, occasionnel ou durable ;

- la crainte que le port systématique du préservatif soit un indice de la maladie et éveille la suspicion chez les partenaires.

Par peur de la révélation et du rejet par le partenaire, certains adolescents adoptent des comportements de déni, avec pour conséquence des rapports non protégés, en particulier chez les garçons.

Certaines études suggèrent que la révélation au partenaire a une influence positive sur le port du préservatif et que la dissimulation du secret autour de la sérologie dessert les comportements de protection. Cependant, d’autres études ne relèvent pas de manière significative une meilleure utilisation du préservatif après révélation de la séropositivité au partenaire.

Un taux très bas d’utilisation de la pilule contraceptive chez les adolescentes contaminées

La contraception est difficilement effective chez les adolescentes séropositives.

Le taux d’adolescentes contaminées utilisant la pilule contraceptive est très bas par rapport aux non-contaminées.

De plus, certaines adolescentes, lorsqu’elles adoptent la pilule contraceptive, deviennent plus irrégulières dans l’utilisation du préservatif masculin, ce qui réactive à nouveau la problématique de la contamination du partenaire.

Une tendance aux grossesses précoces et non désirées chez les adolescentes séropositives

La crainte d’éveiller la suspicion du partenaire par le port systématique du préservatif et l’envie de vérifier la possibilité souvent niée d’avoir des enfants et de fonder une famille sont parfois mis en avant pour expliquer ce phénomène, d’ailleurs plus important dans les cas de contamination maternofœtale que pour les autres modes de transmission

L’émergence du désir d’enfant chez les adolescentes séropositives est un phénomène plutôt positif puisqu’il indique qu’elles s’inscrivent dans une perspective d’avenir et un désir de vie.

La proportion d’adolescents et de jeunes adultes séropositifs souhaitant fonder une famille et avoir des enfants serait supérieure à celle de ceux qui ne veulent pas de cette responsabilité.

La maturation sexuelle, retardée chez les enfants nés infectés par le VIH

Certains adolescents connaissent un ralentissement de la croissance, du développement cognitif et émotionnel. La maturation sexuelle serait retardée chez les enfants nés infectés par le VIH.

Les modifications corporelles liées au VIH sont cependant moins nombreuses que dans de nombreuses maladies chroniques comme le cancer, en dehors des lipodystrophies.

Certains traitements peuvent cependant induire des transformations physiques perturbant profondément l’image de soi.

Mais de manière générale, grâce aux multithérapies, les adolescents séropositifs ont une apparence quasiment normale et l’on peut difficilement les distinguer de l’ensemble de la population.

Des difficultés d’ordre psychologique

Un certain nombre d’adolescents contaminés par transmission verticale déclarent mener une vie sexuelle normale et épanouie. Cependant, peu de données existent sur les jeunes insatisfaits et les raisons de cette insatisfaction.

Certains facteurs entraînent une dégradation de l’estime de soi, de la qualité des liens affectifs et de la vie sexuelle chez une importante proportion des adolescents séropositifs, générant anxiété et insatisfaction :

-  les représentations négatives du VIH ;

 - la peur de contaminer le partenaire sexuel ;

 - l’appréhension à révéler son statut sérologique ;

 - la crainte d’être rejeté par son partenaire.

Parmi les plus jeunes, beaucoup pensent que la révélation à l’autre est une étape incontournable du développement psychosexuel mais, est aussi la plus dure à réaliser. Inversement, le secret autour de la séropositivité est envisagé par d’autres comme la condition d’une certaine qualité de vie, mais aussi comme un poids au moment de l’entrée dans la sexualité. Ces contraintes peuvent parfois aboutir, sur un plan comportemental, à des situations d’abstinence ou à des rapports non protégés.

La dimension familiale

Beaucoup d’adolescents contaminés à la naissance se disent choqués que leurs parents aient pu choisir délibérément de les mettre au monde en prenant le risque de les contaminer. Ils jugent leurs parents « égoïstes » et affirment qu’ils préfèrent renoncer à avoir des enfants pour ne pas pérenniser le risque de transmission, même s’ils savent bien qu’il est devenu infime.

Cette attitude de censure moralisatrice témoigne du peu d’estime qu’ils ont pour leur parent, mais aussi du peu d’estime qu’ils s’accordent à eux-mêmes du fait qu’ils sont porteurs d’une infection mortelle qu’ils pourraient transmettre.

Chez les jeunes adultes en France, la sexualité semble rester orientée vers un idéal normatif de conjugalité avec une visée procréative, idéal auquel de nombreux adolescents contaminés renoncent.

 

Source : sidasciences.inist