N`na Fanta Sosso, la thérapeute clandestine qui « donne » des enfants

L’obtention d’un enfant est devenue un véritable challenge pour des femmes une fois mariées. Dans cette recherche effrénée et désespérée, certaines prennent tout ce qui leur tombe sous la main. C’est dans cette dynamique que beaucoup se donnent rendez-vous chez N’na Fanta Sosso au quartier Dapompa plateau, commune de Matoto.

Elle est une femme thérapeute qui se déclare, d’après ses clientes, capable de les aider à concevoir.  Il est 10h, nous sommes dans un appartement de deux chambres, salon et douche, et un espace aéré dehors.

Là, une quarantaine de femmes venues de divers horizons et armées de patience prennent d’assaut cette place.  Pour mieux cerner les tenants et les aboutissants de ce phénomène avant de rencontrer la principale concernée, nous avons approché des clientes qui acceptent de se confier à nous. 

«En venant ici, n’en parle à personne, même à ton mari. Tu te tais et tu restes tranquille. Ici, c’est le courage. Nous sommes toutes là à la quête d’un enfant, mais il ne faut pas se mettre en tête que tu accoucheras au neuvième mois», explique cette femme pleine de courage.

Mais paradoxalement, cette grossesse à l’allure et à la durée différentes des grossesses ordinaires, n’est jamais visible en cas d’échographie.

«Quand tu pars à l’hôpital pour l’échographie, les médecins disent qu’il n’y a pas de fœtus. Celle-ci est allée, mais ils n’ont pas confirmé sa grossesse. Elle a un an et trois mois de grossesse maintenant.  Quand elle confirme ta grossesse, tu ne dois dire à personne, car les gens veulent la nuire», a déclaré une de nos interlocutrices.

Nonobstant cette réalité de nature à couper le souffle, les clientes de N’na Fanta Sosso ne tarissent pas d’éloges à son égard. La thérapeute est très flexible quand il s’agit du coût du traitement, disent-elles.

«Cette dame est très généreuse et est toujours souriante. Elle nous traite avec souplesse. Même quand tu n’as pas la somme demandée au complet, tu peux venir avec ce que tu as, elle te donnera les médicaments jusqu’à ce que tu payes le tout.

Après avoir payé cette somme requise, tu ne payeras plus rien. Le jour où elle te demandera d’envoyer le coq et trois pagnes, c’est que tu es enceinte. Mais tu viendras pour qu’elle te consulte et là, en fonction de tes moyens tu peux lui faire un geste», témoigne notre deuxième répondante. Après moult tentatives, N’na Fanta nous reçoit in extremis en nous faisant passer pour une cliente. Nous nous intéressons au mécanisme et aux conditions de traitement.

«Tu envoies trois cent vingt mille francs guinéens, quand tu seras enceinte, tu m’enverras un complet de trois pagnes et un coq. Jusqu’à ton accouchement, tu ne payeras rien comme frais. C’est à toi de voir si tu me feras d’autres gestes ou pas. Tu viendras pour ta consultation. S’il y a des médicaments que tu dois prendre, tu les payeras. Par exemple, les médicaments pour excès de sel », nous explique-t-elle.

Pour se rendre à l’évidence de ce qui nous a été rapporté, nous nous sommes rapprochés de Dr Moussa Kantara Camara, gynéco-obstétricien. Coïncidence ou pas, ce médecin a même une fois reçu certaines de ces femmes. Il nous rapporte que toutes leurs grossesses n’avaient pas été confirmées.

 «Il y a des femmes qui se disent enceinte parce qu’elles ont l’ardent désir d’avoir des enfants. Elles ne sont en train que de simuler une grossesse. Cette dame est une thérapeute, quand ces femmes viennent chez elle, quel autre moyen a-t-elle pour dire que ces femmes sont enceintes? Ces dames présentent un ventre que si vous n’êtes pas du corps, vous direz qu’elles sont enceintes. J’ai opéré une dame qui est allée là-bas, elle m’a appelé qu’elle est enceinte. Je l’ai félicité et je lui ai demandé de venir faire son échographie gratuitement, elle n’est pas venue. C’est ce mois-là qu’elle est venue, elle a un gros ventre, mais ce n’est pas le fœtus. Après la chirurgie, j’ai mesuré l’utérus et j’ai photographié ce qui s’y trouvait. C’était néant. Ce sont des grossesses nerveuses », clarifie ce médecin gynéco-obstétricien.

Mais convaincre ces femmes est devenu la croix et la bannière surtout qu’elles sont dans une bataille acharnée pour sauver leurs mariages. Le médecin qu’on a rencontré en est bien conscient.

« Ces dames ont un utérus qui n’a pas la même mesure que celui qui a été engendré. Mais comment les convaincre? Plus généralement, elles se rendent à l’hôpital, elles obtiennent les carnets rouges et consultent certaines sages-femmes qui mesurent la taille de leurs ventres, sans contrôler les battements du cœur. C’est un phénomène psychologique qui les traumatise, sinon elles ne sont pas du tout enceinte», conclut-il.

N’empêche, les femmes continuent de rallier l’endroit, car le rêve de toute femme surtout africaine est de devenir mère notamment le lendemain de son mariage.

 

 

Source : mosaiqueguinee.com