La promiscuité : quand les enfants partagent l'intimité de leurs parents

La précarité aidant, beaucoup de parents passent la nuit dans la même pièce que leurs enfants. Cette extrême proximité n’est pas sans conséquences pour les petits qui, à force de vivre l’intimité de leurs parents, finissent par en être traumatisés à vie.

Domicilié en face de Mermoz, à l’ancienne piste, Mamadou Saliou Diallo, forgeron de son état, dort, à l’instar de beaucoup de pères de famille, dans la même chambre que sa femme et ses enfants. Faute de moyens, justifie-t-il. «Je n’ai pas les moyens de louer une autre chambre». Autre raison avancée par son épouse Binta Diallo : «Le quartier n’est pas si sûr, ce sont des enfants» dit-elle en désignant ses rejetons. Le risque ? «Si on les laisse seuls dans une chambre, des gens peuvent y entrer et tenter de les violer, et bien d’autres choses encore. Donc, poursuit Mme Diallo, vaut mieux les avoir à côté». Ici, la promiscuité règne en maîtresse. Entre les ruelles sinueuses, crasseuses et étroites se côtoient ateliers de mécaniciens jonchés de carcasses de voitures. De petites maisons semblables à des niches sont collées les unes aux autres. Ce que Mamadou Diallo appelle sa maison est, en réalité, une petite chambre d’environs trois mètre carré et qui s’ouvre directement sur la ruelle. Pour gagner sa vie, il confectionne des ustensiles, et les donne à revendre à des commerçants.

Cette peur d’isoler leurs enfants, pour ne pas les exposer aux prédateurs sexuels, ne les sauve pas pour autant. D’après les spécialistes, les enfants qui partagent la chambre avec leurs parents sont davantage exposés. Car souvent témoins de scènes qui peuvent les traumatiser à vie et porter un coup à leur développement futur. Dr Lamine Fall, pédopsychiatre, assimile cette situation à de la maltraitance, voire même un viol quotidien des parents envers leurs enfants. «C’est presque incestueux. C’est un vrai risque, il y a des choses qui doivent rester dans l’ordre du secret, les enfants n’ont pas besoins de tout savoir», estime Fall. Et cela ne se limite pas qu’aux actes sexuels. En effet, fait savoir Dr Fall, le fait de se déshabiller devant ses enfants peut leur faire du mal : «On lui apprend à ne pas avoir froid aux yeux.» Pour lui, la chambre des parents doit être pour un enfant un lieu sacré, qui peut être le lieu de tous les fantasmes. Et «vivre cela en direct peut le traumatiser car toute cette stimulation peut foudroyer l’enfant. Parce que, poursuit Dr Fall, son niveau de développement ne lui permet pas de vivre certaines choses».
Pour lui, partager la chambre avec ses enfants, c’est leur exposer son inimité. Ainsi, les parents brouillent les frontières intergénérationnelles. Conséquence : «Cette situation va perturber la confiance de l’enfant, qui peut être sujet à des troubles d’apprentissages, être trop curieux, ou pas du tout» prévient le pédopsychiatre. Et la trop grande curiosité peut amener l’enfant à répéter ce qu’il a vu ou entendu. Car selon Dr Fall, la façon qu’ont certaines personnes de dépasser un traumatisme, c’est de le répéter. Et cette répétition n’est pas sans danger. Par exemple, «l’enfant qui se met à mimer les gestes avec sa poupée peut tomber sur un prédateur sexuel, qui ne demandera qu’a passer à l’acte». Le traumatisme peut aussi perdurer jusqu’au mariage, et là, les limites de la personne vont remonter à la surface. «On peut voir des personnes qui ont du mal entretenir des relations sexuelles, car quelque part, cette angoisse agit encore». Selon lui, partager le même lit avec son enfant, c’est encore plus dramatique, car il se peut qu’il y ait des contacts physiques avec l’enfant durant l’acte. Mais, tient-il à préciser, dans tous les cas, ils sont exposés. Toutefois, souligne Dr Fall, il y a des enfants qui, comme par miracle, peuvent vivre ces situations et s’en sortir sans aucune séquelle et mener une vie des plus normales.

Source : Walfadjri Afrique