Pérou : l’espoir d’une femme présidente

La fille de l’ex-président Alberto Fujimori toujours emprisonné à Lima, Keiko Fujimori est en tête pour le second tour des Présidentielles péruviennes et contrairement à ce qu’ont affirmé la plupart des médias français, les Péruviens ne se retrouvent pas entre la peste et le choléra mais avec l’espoir au ventre.

On peut même dire que Keiko Fujimori est la meilleure option, la plus raisonnée et la plus efficace pour le pays même si elle ne semble pas du tout plaire à Georges Soros puisque, comme par hasard à quelques semaines de ces présidentielles péruviennes, Keiko Fujimori et des membres de son staff apparaissaient dans les Panama Papers.

Ceci étant, en obtenant dimanche dernier près de 39 % des suffrages, Keiko qui a mûri politiquement et apparaît aujourd’hui comme une femme de caractère a pris une sérieuse option sur le deuxième tour du 5 juin prochain. La fille aînée de l’ancien président Alberto Fujimori devrait être opposée à l’ancien ministre libéral de 77 ans, Pedro Pablo Kuczynski, le candidat de la droite et de l’élite blanche de Lima qui a obtenu de 21 à 22 % des suffrages et qui ne devrait pas rallier les votes populaires de province. La fille de l’ex-président est franchement la mieux placée pour le vote des quartiers populaires de Lima. Elle a pris une bonne avance et elle devrait engranger d’autres suffrages car bien avant le premier tour, elle avait mis habilement à l’écart la vieille garde fujimoriste dans une perspective de réconciliation nationale, écartant un peu comme Marine le Pen en France le père gênant.

On notera que, malgré le soutien de la contestation minière, l’alliée des autochtones n’arrive que troisième. La candidate altermondialiste des peuples autochtones, Veronika Mendoza, leader de la coalition de gauche « Front ample », n’est arrivée qu’en troisième position, derrière son rival de droite, Pedro Pablo Kuczynski, le candidat des investisseurs étrangers, des banques, des États-Unis, des multinationales et de Soros. De père péruvien et de mère française, cette candidate de la gauche, parfaite bobo écolo-gaucho peu expérimentée jouait sur le fait qu’elle maîtrisait la langue quechua et qu’elle était proche des populations de Cuzco. Heureusement, cela n’a pas trompé son monde, le Pérou ayant eu avec Toledo depuis quelques années une très mauvaise expérience de ces outsiders des dernières semaines de campagne qui finissent par confondre budget de l’Etat et caisses personnelles.

Le score de Keiko Fujimori (39,73%) est très honorable et n’a donc pas créé de surprise ce dimanche 10 avril. Il  correspondait d’ailleurs aux pronostics et aux sondages des dernières semaines. Les mobilisations orchestrées contre sa candidature, le  5 avril dernier, qui ont été de véritables manipulations osant de manière spectaculaire lui attribuer les faits de stérilisations forcées des femmes paysannes ou les violations des droits humains durant la lutte anti-terroriste, faits qui datent de plus de vingt ans. Ces manipulations grossières n’ont pas touché la jeune génération qui n’a de toute façon pas connu l’époque à Lima des couvre-feux permanents et des attentats en plein Miraflorès.

Pour la première fois de son histoire, le Pérou s’apprête à élire une femme à la Présidence. Reste que signe peut être inquiétant si l’on regarde un peu plus en détail les résultats électoraux. La province reste rebelle, en particulier dans la région de Cajamarca qui a choisi d’appuyer le chef local, Gregorio Santos, un « rondero » ( un membre des rondes paysannes). Président de la région, Gregorio Santos reste populaire malgré le fait qu’il soit en détention préventive depuis presque deux ans pour pourtant des faits avérés de corruption régionale. Ce vote contestataire, de quelqu’un qui est pourtant en prison a de quoi inquiéter et exprime en tout cas étonnamment la fidélité et la solidarité des bases paysannes avec leur dirigeant. Il confirme, il faut bien le reconnaître, la continuité de la lutte provinciale contre les projets miniers et en particulier le projet « Conga ». Santos est arrivé en première position dans la région de Cajamarca avec plus de 50% des votes exprimés même si « Goyo » comme l’appelle ses partisans, sorti de sa prison de haute sécurité pour pouvoir participer au débat télévisé du 3 avril dernier n’a recueilli que  4% des suffrages au niveau national. 

On lit ici ou là que le  choix du nouveau Président de la République péruvienne pour la période 2016-2021 se fera le 5 juin prochain, entre deux candidats de droite : un candidat  autoritaire qu’incarnerait Keiko Fujimori et un candidat   néolibéral, représenté par Kuczincki. Ce n’est pas tout à fait exact. Fujimori incarne à sa manière la continuité de Humala, l’actuel président à savoir un nationalisme libéral mais inclusif. Elle a de toute évidence le soutien de l’armée et n’est pas du tout mondialiste. Ceci étant, elle ne heurtera absolument pas les relations privilégiées que le Pérou a actuellement avec les États-Unis (souvenons-nous, le pape François  boycottant le Pérou lors de son dernier voyage, l’été dernier, en Amérique latine). 

Cependant, Keiko saura tenir sa place et voudra tenir quelques distances avec son allié et son principal créditeur, Washington. En politique intérieure, Keiko devra réactiver de toute façon l’économie dans une période incertaine avec une forte baisse des investissements étrangers. Elle devra aussi lutter contre une insécurité urbaine devenue grandissante. C’est sans doute par le souvenir de son père (le Fuji choc), par la promesse d’une réactivation  économique et celle d’une  lutte enfin efficace  contre la délinquance (le  »terrorisme » péruvien d’aujourd’hui) que Keiko a rassuré son peuple et pourra sans doute jouer son rôle.

Nonobstant, elle risquera très vite de devoir affronter des troubles sociaux et une opposition frontale violente avec les  paysans et les populations en lutte acharnée contre l’extractivisme minier, pour la défense de l’eau, des terres, des droits humains et environnementaux. Les conflits socio-environnementaux sont réels au Pérou et dans les Andes et il faudra savoir les gérer même si parler quechua ne suffit pas.

En tous les cas, le prochain gouvernement qui assumera le pouvoir en juillet prochain (discours d’investiture le 28) continuera quoiqu’on en dise à utiliser l’appareil « normatif » militaro-économique mis en place pendant le gouvernement Humala pour accentuer  le contrôle des dirigeants régionaux, des dirigeant qui sont loin d’être tout blancs et sont en réalité souvent liés au narco trafic ou aux extractions illégales. 

 

Source : metamag.fr