"Il a ouvert mes cuisses et il a commencé à couper" : après une excision, Amina tente de se reconstruire

Un corps mutilé et une vie de souffrance, 200 millions de femmes dans le monde ont subi une excision. Elles sont 120 000 à vivre en France, souvent dans le silence et toujours dans la douleur. Pourtant, il existe une chirurgie réparatrice. Amina témoigne.

Croyance culturelle ou religieuse, pression sociale ou identitaire, c'est avant tout une mutilation.
Dans le monde, on estime à  200 millions le nombre de femmes ayant subi une excision, principalement des pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Selon Santé Publique France, 120 000 de ces femmes vivent dans notre pays.

L'excision, c'est l'ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de la femme. Cette mutilation entraîne des douleurs, des infections, entraîne des conséquences sur la vie sexuelle en diminuant, voire en supprimant le plaisir et provoque un traumatisme psychologique important et durable.
 
J'ai crié, j'ai pleuré beaucoup. Il a ouvert mes cuisses et il a commencé à couper. Je n'ai pas bougé. Je n'avais que 5 ans. Je ne savais pas ce qu'on me faisait. 
Elle est originaire d'un pays d'Afrique de l'Ouest. Amina, ce n'est pas son vrai prénom. Preuve que le sujet est encore tabou, c'est de façon anonyme qu'elle accepte de témoigner. "Après, à chaque fois que je faisais pipi, c'était très douloureux, pendant plusieurs semaines. Ma mère lavait la plaie à l'huile de palme ou du savon noir". 

Amina ne réalise pas tout de suite ce qu'on lui a fait subir. "Je croyais que c'était normal. Je ne savais pas quel était mon problème. Quand je faisais des choses avec des hommes, je ne ressentais rien, j'étais comme du bois dans le lit."

Pendant longtemps, Amina cherche à savoir. A son arrivée en France, on lui parle de l'excision. À Limoges, Amina participe à des groupes de paroles avec une infirmière psychiatrique. Des échanges qui lui ont permis de verbaliser des souffrances physiques et psychologiques bien enfouies. "Le fait de rencontrer des femmes qui ont subi le même traumatisme qu'elles, peut les sortir de leur isolement et leur permettre de partager autour de ces douleurs. C'est important car c'est un sujet extrêmement tabou dont elles ont rarement, voire jamais parlé", explique Sabine Besse, infirmière de l'équipe mobile psychiatrie-précarité du centre hospitalier Esquirol (Haute-Vienne)

Réparer le corps

Pour ces femmes, une solution existe : elle passe par la réparation chirurgicale, remboursée par la Sécurité Sociale. Elle existe en France depuis 2004.

Au CHU de Limoges, cette reconstruction est pratiquée depuis 2019 par Xavier Plainard, urologue, spécialement formé. L'opération, relativement simple, dure une vingtaine de minutes.

"L'excision consiste en l'ablation des organes génitaux externes, notamment le clitoris et les petites lèvres. Au cours de l'excision, c'est juste la partie externe du clitoris qui est amputée. Mais il y a toute la partie interne qui est plus importante. On retire alors les tissus fibreux, on libère le clitoris résiduel de toute la fibrose due à la mutilation et on le réinsère dans sa zone physiologique," explique Xavier Plainard.

Amina s'est fait opérer à Limoges en mars 2019. Une réparation qui a changé sa vie.
 
Ma vie quotidienne était tellement dure, alors pour une fois, j'ai dit oui. Je suis une femme. Je voulais savoir comment les femmes ressentaient les choses. Pendant plus de 30 ans je n'ai pas senti cela. Aujourd'hui, waouh, je suis contente ! Je n'ai plus de douleur, je fais l'amour avec plaisir.

Réparer l'esprit

L'intervention permet de faire disparaître les douleurs et de retrouver une sensibilité et une sexualité normale. Mais toutes les victimes ne font pas ce choix.

"Elles ont fui une coutume qui les met en danger, mais pratiquer une intervention pour tout remettre en question, c'est extrêmement compliqué, avec beaucoup de culpabilité, avec l'acceptation de cette reconstruction pour réinvestir son corps en tant que femme, constate Sabine Besse, cela demande de l'accompagnement." 

En 2019, le gouvernement a lancé un plan de lutte qui prévoit notamment des subventions de plusieurs associations, l'édition d'outils d'information et de prévention ainsi que l'amélioration de la santé mentale et sexuelle des victimes.

Pour Amina, la reconstruction physique et la parole libérée cachent encore pourtant une souffrance. Après un sourire, des larmes : "J'ai encore des nièces qui sont petites, 5 ans, 9 ans, et qui ne sont pas excisées parce que ma soeur n'avait pas l'argent, mais je m'inquiète pour elles."