Divorce : pourquoi ce sont les femmes qui rompent

Les femmes sont à l’origine de 75 % des demandes de divorce. Malgré la souffrance, la pression économique, elles n’hésitent plus à défaire leur vie pour mieux la refaire, à se séparer pour se réparer. La rupture, une autre chance ?

«Quand j'ai quitté Sébastien, j'étais très amoureuse. Mais je n'étais pas heureuse. Il était devenu une charge émotionnelle et financière, je devais tout porter sur mes épaules. L'avenir avec lui ne me faisait pas rêver. Et, malgré la douleur, je ne l'ai jamais regretté.» Leslie*, 37 ans, ne mâche pas ses mots. Tout au long de sa vie sentimentale, les ruptures opérées par cette administratrice de théâtre ont toujours été un retour à elle-même. Un voyage mouvementé mais nécessaire pour continuer d'avancer sur le chemin houleux de l'amour. Alors que les hommes avaient le monopole de la décision de divorcer il y a encore quelques décennies, désormais les femmes sont à l'origine de 75 % des demandes.

«Or, les hommes ne sont pas plus insupportables aujourd’hui qu'hier ! Mais le nombre de divorces et de séparations va continuer de croître», explique le sociologue François de Singly, auteur de Séparée. Vivre l’expérience de la rupture (1). En cause ? Un décalage croissant entre les aspirations personnelles et la réalité des unions. «Quand les femmes vivent en couple, c'est pour être bien en couple. Elles y recherchent la qualité émotionnelle. Les hommes peuvent davantage fractionner les différents aspects de leur vie et se satisfaire d'un certain confort, avec la prise en charge des tâches domestiques et éducatives», analyse encore le sociologue, comme c'était le cas dans le mariage bourgeois du début du XXe siècle. Et chercher le grand frisson ou la trépidation ailleurs. Florence Escaravage, coach en conseil amoureux, ajoute : «Quand une femme rompt, la décision est liée à sa maturité, à son illusion déçue de constater qu'il n'y a pas de “danse de couple”.» Autrement dit, pas, ou plus, de magie.

Les hommes hors jeu

Alors, pourquoi les femmes et les hommes investissent-ils différemment le couple ? L'historienne Sabine Melchior-Bonnet, spécialiste des sensibilités et auteure des Revers de l’amour. Une histoire de la rupture (2), rappelle que l'acquis légal du divorce, issu de la Révolution française, date de 1792. Si les archives permettent «de constater un pic de 5000 demandes la première année, autant formulées par des hommes que par des femmes, elles chutent très vite. La question de la garde des enfants conditionne finalement les démarches. Les femmes se font extrêmement minoritaires, et quand elles prennent l’initiative d’une séparation, c’est qu'elles viennent de milieux très élevés.» La plupart n'ont d'autre choix que de retourner chez leurs parents ou de finir au couvent.

La rupture, pendant des siècles, a donc été l'apanage des hommes. Au XIXe siècle, la perception genre du couple s'accentue. «Au temps des mariages arrangés, on pouvait s'en prendre à la société en cas d'échec. Mais avec l’avènement de l'amour au sens romantique, la rupture devient une atteinte au moi profond», rappelle l'historienne. «Les hommes ont raté le coche de la culture sentimentale», assène François de Singly. Il l'a constaté au cours de ses entretiens : «Ils racontent leurs histoires d'amour sans conceptualiser. Depuis le XIXe siècle, les femmes aiment les romans, la littérature, plus récemment les séries, qui forment le socle d'une véritable culture relationnelle, que les hommes n'ont pas.» Sans doute aussi parce qu'aux hommes s'offraient les satisfactions de la vie publique, alors que les femmes ne se construisaient que dans l'exiguïté de la maisonnée. Il ne leur restait que les tâches domestiques, les enfants. Le couple, en somme, mais sans la liberté de le quitter.

L’amour quoi qu’il en coûte

Aujourd'hui, c'est davantage possible, grâce à l'amélioration de la situation économique des femmes. Elles sont plus de 80 % à travailler. Ce qui va d'ailleurs, dans les années 1980, avec l'émergence d'un autre modèle que le couple fusionnel, où se fondent les identités. C’est la naissance de l’individualisme, au sens de l’importance accordée à soi. Désormais, les femmes veulent être aimées pour elles-mêmes. Et pour cela, elles sont prêtes à payer le prix fort. En effet, les ruptures entraînent des conséquences en cascade pour les femmes. En premier lieu, la perte du pouvoir d’achat. Selon les chiffres établis en 2018 par l’Insee, les plus touchées sont les femmes divorcées, puisque 20 % d'entre elles sombrent dans la pauvreté, contre seulement 8 % des hommes. Selon une étude de 2015, «la perte de niveau de vie directement imputable à la rupture est de l'ordre de 20 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes». Dans 40 % des cas, la pension alimentaire n’est pas payée...La suite de l’article sur madame.lefigaro.fr