Au Togo, un concours de beauté met les femmes rondes à l`honneur

Sur le continent africain, les formes généreuses traditionnellement valorisées n'ont plus la côte qu'elles avaient autrefois. Alors à Lomé, la capitale du Togo, un concours de beauté veut redonner aux rondeurs tout leur pouvoir. 

"Miss Nana". C'est le nom du concours dédié aux femmes rondes qui s'est tenu à Lomé, au Togo, les 11 et 13 juillet dernier. Un hommage aux fameuses "Nana Benz", ces femmes togolaises qui ont fait fortune dans le pagne. Et "Nana", en Afrique,  c'est aussi une marque de politesse et d'affection.

Pour sa première édition, le concours rassemble dix candidates. Cinq sont venues du Bénin, cinq du Togo. Les profils sont très différents : femmes d'affaires, médecins, esthéticiennes, mais aussi des femmes de médias. Un point les réunit : leurs formes généreuses. Car le critère physique de sélection, pour être admise à passer le concours, c'est le tour de hanche. Pas moins de 115 centimètres. A titre de comparaison, c'est en moyenne 30 centimètres de plus que celui des "miss traditionnelles".

Le cerveau du projet ?

Kayi Dominique Atayi, une Togolaise directrice d'agence évènementiel depuis plus de vingt ans. Elle aussi a toujours été ronde. Ce projet, pour elle, c'est un peu une revanche sur la vie.

"Vous savez, en Afrique en général, la femme ronde est une femme qui a de la valeur. Mais de plus en plus, on voit des stéréotypes de modèle, des pâles copies, on oublie nos modèles originels, et ces femmes ont véritablement un problème à se retrouver dans une société qui met beaucoup plus en avant des femmes filiformes et minces", explique avec passion Kayi Dominique Atayi.

Le concours peut ainsi avoir un effet thérapeutique pour certaines candidates, qui se sont longtemps senties complexées par leurs rondeurs. Ludmilla, une jeune maman de 28 ans, est originaire du Bénin. Elle travaille dans la capitale Cotonou comme vendeuse de jus de fruits.

Suite à deux grossesses, elle prend beaucoup de poids, jusqu'à atteindre 140 kilos. Elle vit dans la hantise de sortir, de se montrer et d'affronter le regard des autres. Elle privilégie les vêtements amples pour cacher son corps. Jusqu'au jour où elle tombe sur une annonce de casting pour un concours de femmes rondes sur Facebook. D'abord réticente, elle se décide de se jeter à l'eau. Lors du casting, elle voit arriver devant elle d'autres candidates, la majorité beaucoup plus rondes qu'elles et qui pourtant s'assument. De quoi booster sa confiance en elle.

"Avant, par exemple, je ne pouvais pas mettre ce genre de culotte [short] parce que je me trouvais trop grosse et j'avais peur des préjugés, de ce que les gens allaient dire de moi, qu'ils se moquent de moi, d'entendre que j'ai de gros mollets, de grosses cuisses, et pourquoi je mets ce genre de vêtement..". confie-t-elle. Ludmilla poursuit : "Il y en a de beaucoup plus fortes que moi parmi nous... Je les ai vu assumer leurs rondeurs en mettant des vêtements sexy et je me suis 'pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne peux pas mettre ce genre de vêtements ?' C'est là qu'est venu le déclic et que j'ai commencé à mettre des petites tenues, des vêtements sexy et à m'assumer".

L'objectif du concours est double : valoriser le corps de ces femmes, mais aussi ces femmes en elles-mêmes. Kayi Dominique Atayi détaille : "Je voudrais montrer au monde que les femmes, ce n'est pas seulement exhiber la beauté, mais exhiber beaucoup plus". Pour elle, ce concours permet de mettre "sous le feu des projecteurs"des femmes qui, bien souvent, restent anonymes par leur position sociale. Et c'est cet aspect qui pour l'organisatrice, a le plus de valeur.

C'est la Béninoise Nadiatoulaye Mama qui sera sacrée reine de ce premier concours d'élégance féminine et de valorisation des Africaines. Et le public est ravi. Elga Branco, un spectateur, s'exclame : "Ah oui, oui, j'aime les femmes rondes. Elles représentent nos mères, et donc tout ce qu'il y a de plus important pour nous". Et d'ajouter, taquin : "La femme ronde, la femme avec la forme, quand elle marche, elle suscite tout plein de choses..."