Coronavirus : un corticoïde réduit d`un tiers la mortalité chez les patients les plus atteints par le Covid-19

La dexaméthasone, qui va être utilisée dès à présent au Royaume-Uni, est le premier médicament dont l’essai clinique randomisé montre qu’il améliore la survie des patients lourdement atteints.

Un corticoïde peu coûteux et largement disponible, la dexaméthasone, améliore sensiblement le pronostic des patients les plus lourdement atteints par le Covid-19 : selon des résultats préliminaires de l’essai clinique britannique Recovery, rendus publics mardi 16 juin, ce traitement réduirait d’un tiers la mortalité des patients placés sous assistance respiratoire mécanique et d’un cinquième chez ceux recevant simplement de l’oxygène.
Ces proportions, rapportées aux taux de mortalité observés chez les patients recevant un traitement standard, signifie qu’un décès pour huit patients sous respirateur et un décès pour vingt-cinq patients sous oxygène seraient évités par la prise de ce traitement.

S’il avait été prescrit chez l’ensemble des patients hospitalisés pour Covid-19 depuis le début de l’épidémie, indique la BBC, 5 000 vies auraient été sauvées au Royaume-Uni, qui déplore à ce jour près de 42 000 morts. Le gouvernement britannique va mettre immédiatement à disposition des malades concernés ce traitement d’un coût évalué à l’équivalent de 60 euros.

La dexaméthasone est utilisée dans une grande variété d’affections, notamment d’origine inflammatoire ou auto-immune. Elle a été incluse en mars dans l’essai Recovery, aux côtés de cinq autres traitements : lopinavir-ritonavir ; hydroxychloroquine ; azithromycine ; tocilizumab ; plasma de convalescents. Les promoteurs espéraient que les propriétés anti-inflammatoires et immunorégulatrices de la dexaméthasone pourraient être utiles dans les phases d’aggravation de la maladie, marquées par un « orage immunitaire » où les défenses de l’organisme se retournent de façon incontrôlée contre celui-ci.

« Avantage significatif »

De fait, un « avantage significatif » a été constaté chez les 2 104 patients de l’essai Recovery qui s’étaient vu attribuer, de façon aléatoire, ce traitement, comparés à plus de 4 300 patients n’ayant reçu que les soins standards. Le bénéfice a donc été le plus marqué chez ceux placés sous respirateur (mortalité réduite d’un tiers), puis chez ceux recevant de l’oxygène (réduction d’un cinquième). En revanche, la mortalité n’a pas été significativement changée chez les patients qui n’avaient pas besoin d’assistance respiratoire (chez ceux-ci, dans le groupe témoin, la mortalité atteignait 13 %).

Pour Peter Horby, professeur de maladies infectieuses émergentes à l’université d’Oxford et l’un des chercheurs en chef de l’essai, « la dexaméthasone est le premier médicament à avoir montré qu’il améliorait la survie » en cas d’infection. C’est effectivement la première fois qu’un essai clinique dit « randomisé » de grande ampleur met en évidence un effet net d’un médicament sur la mortalité liée au Covid-19.

Des résultats préliminaires concernant le Remdesivir commercialisé par Gilead avaient montré une réduction de la durée d’hospitalisation, mais pas de modification notable de la mortalité. En France, des résultats préliminaires encourageants concernant l’anti-inflammatoire tocilizumab ont été présentés, alors que l’essai clinique Corimuno correspondant n’était pas achevé, si bien que les conclusions à son sujet ne sont pas encore connues.

« L’hydroxychloroquine n’a aucun effet bénéfique »

Concernant l’hydroxychloroquine, l’essai Recovery a déjà tranché : le 5 juin, ses responsables annonçaient avoir « conclu que l’hydroxychloroquine n’a aucun effet bénéfique sur les patients hospitalisés avec Covid-19 ».
Aux Etats-Unis, l’agence des médicaments (FDA) a annoncé, le 15 juin, le retrait de son autorisation pour traiter le Covid-19 parce qu’« il est improbable qu’elle soit efficace » et en raison de « sérieux effets secondaires ». Les promoteurs du traitement préconisé en France par Didier Raoult font valoir que celui-ci doit être administré au plus tôt après le diagnostic, en association avec l’azithromycine.

Concernant la dexaméthasone, souligne Peter Horby, « le bénéfice en termes de survie est clair et important chez les patients qui sont suffisamment malades pour nécessiter un traitement à l’oxygène, de sorte qu’elle devrait maintenant devenir la norme de soins chez ces patients. La dexaméthasone est peu coûteuse, en vente libre, et peut être utilisée immédiatement pour sauver des vies dans le monde entier ».

« C’est très bien de disposer de ces résultats, commente le chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat, à Paris. En France, certains services utilisaient déjà cette molécule en pratique courante dans le Covid-19, pour lutter contre la phase inflammatoire de la maladie. Recovery confirme que c’est pour les patients en réanimation, ventilés, que le bénéfice est le plus important. »

Des discussions entre cliniciens portent, en effet, sur la meilleure posologie et le meilleur moment d’administration de la dexaméthasone, car les corticoïdes sont aussi connus pour favoriser la multiplication des virus. « On aimerait avoir rapidement un article scientifique de Recovery pour en savoir plus », précise le médecin. Les chercheurs britanniques s’y sont engagés.