C'est un peu cracra : Pourquoi le caca pue-t-il, et comment (vraiment) le nettoyer ?

Il est la reine des crottes, celle que l’on produira en plus grande quantité au cours de notre vie. Le caca, certains pourraient en parler des heures. Mais pour beaucoup, il reste encore tabou, et parler constipation et diarrhée ne fait pas partie des sujets de conversation convenables. Mais cela n’empêche de se poser tout un tas de questions sur le sujet. A quoi ça sert, les excréments ? Pourquoi ça pue ? Que disent vos étrons de votre état de santé ? 

De quoi les excréments sont-ils composés ?

Pour faire fonctionner la machine qu’est le corps humain, l’organisme a besoin de carburant. Vous mangez, vous buvez, et ce que vous ingérez est utilisé et transformé à mesure qu’il progresse dans l’organisme. La salive et la mastication commencent le boulot de digestion, puis l’estomac prend le relais à coups de sucs gastriques, et le repas, ou « bol alimentaire », poursuit son chemin dans les intestins. Pendant ce temps, l’organisme puise dans ce carburant l’eau, les protéines, glucides, lipides et nutriments dont il a besoin pour fonctionner.

Les selles sont donc les résidus de notre digestion, et sont composées majoritairement d’eau (75 %) et de déchets biologiques (25 %). Des déchets constitués de bactéries vivantes et mortes, de cellules mortes du tube digestif, et des résidus alimentaires que l’organisme n’a pas pu digérer (comme la peau des tomates ou les grains de maïs).

Mais pourquoi le caca est-il marron ? « C’est à la bile, fabriquée par le foie et mélangée aux résidus alimentaires pendant la digestion, que le caca doit sa couleur », répond Julien Ménielle, de la chaîne YouTube de vulgarisation scientifique « Dans ton corps », dans Tout ce que vous devez savoir sur le plus tabou des sujets(éd. Michel Lafon), son livre consacré au caca. La bile, liquide verdâtre, « contient des pigments provenant de la destruction des globules rouges, et notamment de la bilirubine, poursuit-il. Et c’est de la dégradation de cette bilirubine par les germes intestinaux que va naître le pigment brun de notre caca : la stercobiline ».

A quoi servent-ils ?

Comme toute usine nécessitant du carburant, l’organisme a besoin d’évacuer ses déchets. Il le fait donc par la voie des selles. En moyenne, un individu en bonne santé se rend à la selle « entre trois fois par jour et trois fois par semaine », indique le Dr Frédéric Saldmann, médecin cardiologue et nutritionniste, spécialiste des questions d’hygiène dans Votre santé sans risque (éd. Albin Michel).

D’ailleurs, l’aspect de vos étrons est un précieux indicateur de votre santé et votre alimentation. Leur forme et leur couleur indiquent si tout va bien (étron marron, bien moulé et lisse), ou si vous avez quelques soucis (crottes de lapin = constipation). Un caca jaune peut ainsi « être le signe d’un problème qui touche la production de bile », ou « trahir une mauvaise absorption des graisses », ou encore être le signe de « la maladie cœliaque », évoque Julien Ménielle dans sa bible du caca.
Et comment expliquer l’odeur parfois nauséabonde des selles ? « Les principales responsables sont les bactéries de la flore intestinale, explique-t-il. Celles-là mêmes qui travaillent pour achever le boulot de la digestion en décomposant les aliments. (…) Elles rejettent un grand nombre de substances malodorantes comme des dérivés sulfurés » [une odeur d’œuf pourri], ou encore « la cadavérine et la putrécine », des composés organiques que l’on retrouve dans les corps en décomposition et qui ont une odeur pestilentielle.

Comment les nettoyer ?

« Bah en s’essuyant ! », seront tentés de répondre certains. Mais c’est un peu plus compliqué que ça ! Riches en bactéries, vos étrons sont des bouillons de culture que vous n’avez pas envie de laisser proliférer au niveau de la peau fine et fragile de la zone anale. D’autant qu’ils sont également vecteurs de virus. L’usage de simple papier toilette ne suffit donc pas pour une bonne hygiène. « S’essuyer les fesses avec du papier ne fait pas l’unanimité dans le monde, reconnaît le Dr Frédéric Saldmann. De nombreux pays optent pour la toilette du siège avec un petit jet d’eau qui se trouve à proximité du trône, d’autres préfèrent le bidet. Imaginez que vous déposiez des matières fécales sur votre bras. Vous décidez de l’enlever en frottant avec du papier hygiénique, décrit-il. Vous n’avez pas utilisé d’eau ou de savon. Approchez-vous : votre bras sent très mauvais, et si vous vous approchiez encore plus près avec un microscope, vous découvririez une armée de microbes. Vous en conviendrez, cela n’est pas hygiénique, surtout si cela doit rester toute la journée ».

On l’aura compris, se nettoyer seulement en frottant avec du papier toilette n’enlève pas les matières fécales du sillon interfessier. En outre, les frottements répétés créent également des microfissures de la peau, « porte d’entrée aux bactéries et virus. Le risque, c’est l’intertrigo du sillon interfessier », prévient le Dr Saldmann. Une infection cutanée qui se traduit par des rougeurs, démangeaisons et sensations de brûlures.

Le mieux, c’est de pouvoir « prendre une douche après être allé aux toilettes, et de savonner le sillon interfessier et l’anus en se plaçant accroupi », résume le Dr Saldmann. Pris d’une envie intempestive ? Les lingettes nettoyantes pour bébé sont une bonne alternative en cas de pause caca nomade.

Le caca en chiffre

Si le corps est une usine bien rodée, il est notamment un sacré producteur de crottes ! Au cours d’une vie, chaque individu en produira en moyenne 6 tonnes ! Et un seul gramme de matière fécale contiendrait plus de 100 milliards de bactéries.

Et vous, le caca ?

Si le bidet, destiné à l’hygiène post-popo, n’a plus la cote en France depuis quelques décennies, où il a disparu des salles de bains, de l’autre côté des Alpes, son succès ne s’est jamais démenti. « Se laver au bidet après avoir fait caca, c’est normal en Italie, indique Gennaro, Napolitain installé à Paris. Les femmes l’utilisent aussi quand elles ont leurs règles. Cela fait partie de nos habitudes : des bidets, il y en a partout en Italie, un peu à la manière des WC à jet d’eau intégré au Japon. Mais en France, des bidets, je n’en vois presque jamais. Pour moi, les Français pourraient vraiment mieux faire en matière d’hygiène intime ».

L’info insolite

Tout n’est pas à jeter dans le caca ! Il contient notamment des bactéries issues du microbiote intestinal qui peuvent bénéficier à des patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), sur qui il est possible de pratiquer des greffes fécales. La pratique consiste à réensemencer le microbiote intestinal, ce qui a notamment pour effet de renforcer le système immunitaire.

Dernier petit conseil pour la route : connaissez-vous la meilleure position pour vous libérer de vos étrons ? C’est en reproduisant celle adoptée sur les toilettes à la turque : en position accroupie. Mais comme il ne s’agit pas non plus de vous envoyer faire votre grosse affaire au fond du jardin (surtout quand on n’a pas de jardin), Giulia Enders, auteure du best-seller Le charme discret de l’intestin (éd. Actes-Sud), a la solution : assis sur la cuvette, « il suffit de poser les pieds sur un petit tabouret bas et de pencher légèrement le buste en avant ». Cela permet de trouver le bon axe ano-rectal et ainsi de faire son affaire en toute sérénité.