Fatim Sylla, blogueuse et rédactrice web: ``L'autonomie commence par la prise de conscience …``

Blogueuse sur fatimblog.com, un blog qui aborde des thématiques sur la femme spécifiquement sur les droits des femmes, l'autonomisation, l'épanouissement, le développement personnel, la motivation et sur la parentalité, Fatim Sylla est présidente de l'association Allô Bénévole. Cette structure milite en faveur de l'éducation en Santé sexuelle et reproductive des adolescents. Rédactrice web free-lance et consultante sur des projets digitaux (stratégiques et communications digitales), Fatim opte pour une communication réelle entre enfants et parents pour les questions sur la sexualité, des sujets tabous en Afrique. Aujourd’hui, elle nous parle de la femme.

Vous avez consacré un blog a la femme. Comment cette idée est-elle née?

L'écriture, il faut le savoir, c’est ma passion. Au début, je le faisais juste pour le plaisir de partager ma sensibilité rédactionnelle. Puis, bon nan malan, les écrits sur la femme sont venus naturellement puisqu’ils peignent nos réalités communes. Comme je le dis bien souvent, la femme africaine n’est pas là ou il la faut vraiment, elle n'a pas la place qu'elle mérite. Toutes les femmes d'ici et d'ailleurs, en majorité, vivent les mêmes réalités. Et nous, nous militons à notre niveau pour plus de sororité afin de tirer toutes les femmes vers le haut.

L'égalité des sexes, on en parle de plus en plus. Comment la définissez-vous?

Avant d’y arriver, Je suis née au coeur de la polygamie. J’ai grandi dans une famille polygame et jJ'ai vu ma maman et d'autres femmes soumises jusqu'à la moelle. J'ai vu toutes les responsabilités qui étaient les leurs quand bien même le mari aussi pouvait les soulager. Depuis toute petite, j'ai eu du mal à comprendre et à m'accommoder à cette façon de ne trouver la femme que bonne pour les travaux ménagers, pour procréer, tenir un foyer et éduquer les enfants. Je n'étais qu'une enfant mais j'avais déjà mon idée sur la question. La responsabilité, en tant que parent, doit être partagée à tous les niveaux. Je le pensais quand j'étais enfant et cela n'a pas changé.

Revenant à la question, il faut dire que dans nos sociétés, la femme est vue comme un être à part. Elle doit tout supporter, tout accepter car elle est née pour cela. Comme c'est la femme, sa place est à la cuisine. Elle n'a pas de droit de décision, de parole. Comme c'est une maman, elle est la responsable exclusive des enfants. Comme c'est une épouse, elle doit être habituée à l'infidélité de son mari car les hommes ne peuvent s'en passer. Mais toi la femme, tu dois accepter et fléchir genoux pour prier afin que ton homme te revienne. Je dis non. Les femmes et les hommes sont égaux. Ils ont les mêmes droits. Partant donc de ce principe, les femmes ont la capacité de briguer des postes de haut niveau. On n’a pas à les cantonner dans un rôle, à limiter leur capacité car elles n'ont pas de limite tout comme les hommes. A compétences égales, salaires égaux.

Le 08 mars, c’est une journée consacrée aux droits de la femme. Qu’en pensez-vous?

Je pense que c'est une journée qui doit être tout sauf une journée festive. Cette Journée devrait être considérée comme un jour où l'on marque un arrêt, pour faire le point sur nos acquis, ainsi que sur ce qui reste à faire et mener la réflexion autour de cela. Les questions de nos droits sont une chose tellement sérieuse, réduire cette journée à un pagne est à mon sens petit. C'est l'occasion pour nous de mener des caravanes pour sensibiliser les femmes sur leurs droits. Nous sommes d'accord aussi que tout part de la cellule familiale. On ne donne que ce que l'on a reçu. Il faut continuer la sensibilisation au niveau même des femmes en les encourageant à ne pas mettre de différences entre filles et garçons car tout part de là.

Malgré les revendications, selon vous, les choses semblent-elles évoluer?

A mon sens, de par nos implications personnelles, associatives et bien d’autres, les femmes se font entendre de plus en plus. De plus en plus d'hommes rejoignent la cause. De plus en plus d'associations de défense des droits de la femme naissent. Et c'est de bonne guerre.

L’excision est une violation des droits de la femme. Quelle serait votre approche pour faire comprendre aux populations qui la pratiquent encore que c’est une violation des droits de la femme?

Moi j’estime qu’il faut déconstruire les stéréotypes sur l'excision. Il faut continuer de maximiser les formations; informer sur les risques, les conséquences de cette pratique et surtout faire comprendre que cette pratique n'est liée à aucune religion et n'a aucun fondement.

Pour la petite histoire, avant, dans le confort de mon cocon familial, à chaque naissance, j'ai assisté à des séances d'excision et de circoncision au point où je pensais que c'était naturel, normal. Une fois mariée, j'ai même eu une altercation à ce sujet avec mon mari qui est du corps médical. Il avait osé parler en mal de la pratique. Je me souviens encore de ma réponse ce jour. « Mais tu racontes quoi? C'est une tradition, on l'a toujours fait dans nos familles pourquoi toi tu veux venir bouleverser l'ordre des choses? » Et au fond de moi, je pensais à toutes les machinations que j'allais faire pour exciser mes filles une fois que j'en aurais. Mais ça c'était avant. Après je suis sortie; je me suis documentée; j'ai été à des conférences, j'ai écouté des témoignages qui m'ont fait pleurer.

J'ai pleuré, pas parce que j'avais mal, mais j'ai pleuré de mon ignorance sur la question. Et je me suis dit que l'ignorance est vraiment un danger. Qu'est-ce qu'on doit faire ? Que les victimes ne se taisent plus et racontent les conséquences de cette pratique dans leur vie. Qu'elles nous parlent de cette horrible chose qui condamne leur vie de jeune épouse et mère. Que les gens déconstruisent cette idée reçue sur l'excision qui fait plus de mal que de bien.

La scolarisation des jeunes filles reste encore faible dans certaines régions du continent. Comment réussir à convaincre les parents hésitants à la faire?

Après la classe de CM2, mon père a préféré retirer mes trois sœurs de l'école. Il leur à payee une formation en couture qui était extrêmement chere parce que selon lui, une femme ne doit pas faire de longues études. Je pense que maintenant il a changé d'avis depuis car j'en suis une preuve palpable et j'ai pu poursuivre mes études en partie grâce à lui. La femme dans nos sociétés, on l'éduque et on la prépare pour le foyer. C'est le seul rôle qui lui est dévolu. Et pourtant, aujourd'hui ce sont des femmes qui tiennent de main de maître leur foyer, leur commune, leur région. Il faut chercher à faire comprendre que la place de la femme n'est pas que dans le foyer. Que l'école ne la travestit pas, au contraire elle lui apporte le savoir, l’instruction. Elle peut lui permettre d'avoir une activité stable rentable pour le bonheur de toute la famille. Et surtout elle lui permet de se réaliser elle-même.

Je le dis toujours, la génération à venir, celle de nos enfants, c'est elle qu'il faut préparer. C'est en elle qu'il faut inculquer les notions du genre, de l'égalité. C'est ce petit garçon qu'il faut amener à changer son regard sur la petite fille A cette fille, il faut lui apprendre de ne pas se limiter, de rêver et d'y croire. C'est le vrai combat et ça, nous on l'a compris et on s'y attèle.

Comment être autonome, quand on est une femme?

Être une femme n'est pas un handicap. Être une femme ne limite pas nos champs des possibilités. L'autonomie commence par la prise de conscience de ne pas être dépendant de...C'est la débrouillardise. C'est déjà d'accepter de sortir de sa zone de confort pour affronter le terrain.

Et des idées d'entrepreneurs, on en a à l’infini. On n’a pas besoin de millions pour débuter une activité. Mais déjà, il faut accepter d’oser, de commencer. C'est le plus important.

Un mot pour cette journée international

Je le dis depuis des années, puisque nous ne pouvons pas nous passer des pagnes, profitons pour mettre nos pagnes locaux en valeur. Donnons ce marché à des coopératives de femmes de façon tournante. Ainsi, chaque région verra son savoir-faire vulgarisé. On en apprendrait plus sur elle et l'argent les aiderait énormément. Mesdames, cette journée est loin d'être festive, elle doit nous rappeler de mettre plus en avant la sororité. Elle doit nous inciter de plus en plus à ne pas fermer les yeux sur les violences qui se font dans notre voisinage. Elle doit nous aider à être des oreilles attentives pour toutes celles qui sont dans le besoin plutôt qu’à les juger. Cette journée doit nous aider à militer pour que les menstrues ne soient pas un sujet tabou et demander la gratuité des serviettes hygiéniques pour nos filles et sœurs.