Anne-Mauricette Kouakou, sa lourde responsabilité d’être co-pilote de course de voiture

Anne-Mauricette Kouakou, est copilote de voiture de course  de Roland Lenoir. Anciennement sponsor de Rallye, elle travaille dans une entreprise de la place qui,  également, sponsorise. Audacieuse, Anne-Mauricette est une femme de caractère et déterminée qui arbore délicatesse et rigueur.

Depuis quand?

Ca va faire deux ans que je suis copilote de course parce que j’ai deux licences.

Est-ce par passion que vous êtes venue à la course?

À la base, j’étais moi-même sponsor de rallye et le destin, Je crois, a fait le reste. Avec le temps, je suis arrivée dans une nouvelle entreprise où j’ai rencontré feu Soumahoro Moriferé, pilote de rallye, mon mentor. J’ai été émerveillée par sa fille que j’ai vue courir, Et j’ai ainsi approché mon mentor en lui faisant savoir que ça  me plairait bien de courir aussi. Ce fut alors le début d’une relation professionnelle assez riche et je suis restée proche de lui. Il est devenu mon papa du rallye. Je n’oublie pas Maxime Yao qui m’a aussi aidée. 

Avant de venir à la course, avez-vous eu des appréhensions?

Je suis une personne audacieuse, à la base. J’aime oser. J’aime la vitesse et donc  affronter les choses sans hésitation; je n’ai pas eu peur. Généralement, dans la voiture quand on va un peu plus vite, je m’éclate. (Rires). En plus, il n’y a aucune raison d’avoir peur car on a tellement de sécurité qu’il n’y a pas de problème.

Vous arrive-t-il parfois d’être stressée quand vous savez que vous devez participer à une course?

Ah oui! Par moment, je suis stressée. J’avoue qu'on est vraiment stressé parce que tu as la rage de vaincre, tu veux y arriver. Est-ce que les conditions dans lesquelles tu es avec ton pilote peuvent vous permettre de vite arriver? Mais il faut toujours garder son calme dans le rallye puisqu’on a l’adrénaline, le coeur qui bat la chamade pendant la course. 

Il faut pouvoir se calmer et calmer son pilote étant donné que c’est le rôle du co-pilote. L’idéal, c’est juste avoir du calme, du sang-froid pour arriver sur le podium.

 

Hormis calmer son pilote, à quoi sert le co-pilote?

Le copilote doit déjà pouvoir gérer son pilote, lui donner les notes qu’il faut parce que c’est le copilote qui lui dit la traçabilité de la route pour qu’il soit à l’arrivée. Le copilote est comme une carte, une boussole. Alors, si le copilote se plante, le pilote se plante également. Il faut vraiment être concentré, être dans son élément pour pouvoir y arriver.

Et vous qui êtes copilote, est-il plus difficile de l’être que pilote?

Oui, je dirai parce qu’en co-pilotant, tu regardes à la fois la route et ton cahier. Tu dois être au même moment que la voiture parce que quand tu donnes une note, ça doit suivre. Et mieux, tu n’as surtout pas droit à l’erreur. Je crois que être copilote est une très grosse responsabilité.

En tant que femme, vous êtes appelée à vous marier. Comptez-vous passer plus de temps dans ce milieu?

Oui, avec plaisir puisque je vois Michèle Mouton par exemple qui a battu certains hommes (rires). Je me dis donc  pourquoi pas moi. Même être maman ne t'empêche pas de faire du rallye. Tu peux continuer à en faire, c’est un sport automobile, il n'y a pas de problème.

Est-ce qu’il n’est pas un peu dangereux de courir sur les pistes à une vitesse excessive?

Dangereux ! Non, pas du tout, Nous avons près de quatre ceintures de sécurité qui nous attachent.  Nous avons également nos casques que nous portons, , des gants contre le feu, des vêtements qui ne sont même pas vendus en Côte d’Ivoire et qu’on ne trouve qu’en Europe sur des sites spécifiques. J’estime donc qu’il n’y pas de raison d’avoir peur.

Comment vous êtes vous sentie le jour où votre pilote a perdu la course?

C’est très difficile à accepter car ça fait tellement mal. Ma première course au Bandama, il y a deux ans, je me rappelle avoir pleuré. Nous avions à l’époque eu un problème avec une pièce à cause duquel nous n’avons malheureusement pas pu prendre le départ. J’ai fondu en larmes… La douleur est indescriptible, mais après, avec le conseil des autres pilotes, tu te résous à avancer et après il y a d’autres opportunités pour gagner. 

Là où il y a la peine, il y a également la joie. Alors quelle a été votre plus grande joie?

Alors c’est le dernier rallye 2019 de Bingerville au cours duquel nous avons été champions  mon pilote et moi, dans la catégorie deux roues motrices.

En même temps que la femme parle d’autonomisation, elle se met des barrières en disant que tel métier n’est pas fait pour moi mais plutôt pour les hommes. Vous qui êtes copilote de course, quels conseils pourriez-vous prodiguer à ces dames pour qu’elles puissent briser la barrière qu’elles se construisent elles-mêmes?

Je dirai à ces dames que nous sommes dans une société où déjà on parle de 50-50, Il n’y a donc pas de raison au 21eme siècle, de départager le travail en disant que tel est pour les hommes. J’exhorte à cet effet toutes les femmes à se dépasser, à faire ce qu’elles veulent vraiment faire. Pas parce que c’est un homme qui le fait que les femmes n’y ont plus droit, je pense qu’au 21eme siècle, tout le monde est au même niveau. Il y a l’évolution et certaines réalités qui font que la femme doit se dépasser et marquer son environnement. 

En cas de souci avec le pilote au cours d’une course, est-ce que le copilote peut prendre la direction?

Non! Pas du tout car ce n’est pas autorisé. Mais pour une autre course, le copilote peut s’inscrire pour être pilote. Mais pendant la course, je ne pense pas. Seulement en cas d’accident, de bobo du pilote, s’il y a lieu de déplacer le véhicule, oui, le copilote peut le faire mais pas pour terminer la course.

Vous arrive-t-il souvent de faire des excès de vitesse en oubliant que vous êtes sur une route normale?

Non, non. Parce que l'Etat de Côte d'Ivoire a déjà limité la vitesse, Pour cela,  on fait très très attention, parce que là-bas sur les sites ce sont des espaces tracés par des experts et on fait le rallye en fonction. On va vite, il n'y a pas d'obstacles je veux dire. Sur nos routes, non, ici c’est l’urbanisme, on ne peut pas se permettre de faire de la vitesse. 

Avez-vous déjà participé à des courses au niveau international?

Non pas encore. Je n'ai pas encore eu la chance, mais j'espère au moins courir à Dakar.

Un mot pour toutes les femmes qui hésitent encore à prendre des risques comme vous…

Je dirai à toutes ces femmes qu’elles peuvent déjà venir s’inscrire à la FISA au rallye, pour apprendre. Qu’elles osent, qu’elles franchissent les barrières. C’est cela la femme. Il faudrait bien qu’on arrive a marquer notre génération.