Susan Mashibe : apprivoiser le ciel, du rêve à la réalité

Après avoir fait la rencontre avec son rêve alors qu’elle n’a que 4 ans, la femme d’affaires aux multiples compétences dans l’aviation, va s’accrocher pour en faire un métier, une source de notoriété et de fortune. 

Janvier 2015. Forum économique mondial de Davos, Département d’Etat américain, programme de bourses de l’archevêque Sud africain Desmond Tutu, programme de parrainage de Fortune magazine aux Etats-Unis. Tous ces événements, ces cadres et ces programmes ont tous vu arpenter leurs couloirs - o combien mythiques - par la « petite » tanzanienne (elle atteint à peine 1,60 m), Susan Mashibe. Elle est aujourd’hui reconnue comme la première femme dans son pays, la Tanzanie, à avoir obtenu deux prestigieux certificats dans l’aviation. D’abord comme mécanicienne d’avion. Plus tard comme pilote de ligne commerciale. Sa vie est une véritable leçon à donner à qui a des rêves.

La patronne de la compagnie d’aviation d’affaires tanzanienne Via Aviation se présente comme une femme dynamique et énergétique. Pas besoin de perdre son temps pour lui faire des louanges. Pour elle, il est plus important de travailler, d’avoir de l’ambition et de se donner les moyens de les atteindre. La rencontre avec l’aviation qui lui permettra d’écrire son nom dans les annales des leaders africains et des femmes les plus importantes du continent se fait fortuitement quand elle a 4 ans. Sa famille qui vit jusque là à Kigoma (1200 km de Dar Es Salam), doit rejoindre la capitale de la Tanzanie pour des raisons professionnelles. La petite fille doit rester avec sa grand-mère. Elle est frappée d’admiration par ce grand appareil qui passe au-dessus de sa tête comme un oiseau. A l’intérieur, ses parents. A chaque fois, elle les voit repartir et est toujours frustrée de ne pouvoir y aller avec eux. Elle se dit « Si je savais voler, ils ne me laisseraient certainement pas derrière ».

A force de voir des avions atterrir à Kigoma et repartir sans elle, Susan Mashibe se fixe comme objectif de piloter un jour un de ces appareils. Alors qu’elle a 10 ans, elle tombe définitivement sous le charme de l’avion en voyant un Boeing 737 de la British Airways. Dès lors, toutes ses recherches se concentrent autour des moyens pour devenir pilote. De l’admiration, la jeune femme passe à la fascination et à la passion pour les avions. Tout cela l’aide à avoir une scolarité normale et rectiligne. Après son baccalauréat scientifique, elle est contactée pour aller suivre une formation, afin de devenir enseignante. Elle décline l’offre et ses parents la soutiennent dans son choix.

Sur le chemin de l’aviation

En 1993, Susan Mashibe s’envole pour les Etats-Unis avec son rêve en tête. Ici, elle doit d’abord apprendre la langue pour pouvoir suivre des cours aussi pointus et complexes proposés dans la formation en aéronautique civile. Puis elle intègre la même année, l’école d’ingénierie des mécaniciens d’avion de la South Western Michigan College. Elle suit donc concomitamment le cursus de langue et celui professionnel. Toutefois, à partir de 1995 sa famille ploie sous des difficultés financières. Le père, fonctionnaire, a du mal à continuer à payer ses études. Elle fait une dépression, angoissée à l’idée de ne pouvoir aller au terme de son ambition. Au sortir de l’hôpital, elle réalise que son objectif est le sien, et qu’elle doit se battre de ses propres mains pour y arriver.

Pour aller jusqu’au bout de sa formation, la jeune tanzanienne enchaîné des petits boulots. En 1996, elle obtient son diplôme d’ingénieure mécanicienne d’avion. Elle trouve rapidement un emploi dans une petite compagnie régionale du Michigan Duncan Aviation. Elle s’occupe des contrôles et des inspections des avions d’affaires. Susan Mashibe, travailleuse acharnée, cumule le travail et les études. Elle décide de prendre des cours de pilotage des avions à la Western Michigan University. Du fait des tarifs assez élevés de cette formation, la jeune tanzanienne doit faire des heures supplémentaires pour pouvoir les financer. Fort heureusement, son employeur décide de prendre en charge la moitié des frais en guise de récompense de son ardeur et sa détermination.

Retour gagnant

Pendant 5 ans, Susan Mashibe suit assidument ses cours de pilote de vols commerciaux. Elle reste également très impliquée dans son travail d’entretien des avions. En 2002, elle est pilote commerciale certifiée par l’administration fédérale américaine d’aviation, après avoir achevé son cursus avec un Bachelor of Arts en management de l’aviation. Malheureusement, elle ne pourra jouir de ce sésame. Car, entre temps, les attentats du 11 septembre 2001 aux USA ont entraîné à la chute de nombreuses compagnies. Elle déclare qu’à la suite de ces événements, « le marché de l’aviation commerciale a connu une chute drastique. Beaucoup d’emplois ont été détruits du fait de la fermeture de beaucoup de compagnies. Je décide alors de rentrer chez moi ».

Début de l’année 2003. Voici revenue Susan en Tanzanie. Avec toutes ses économies en poche. « Sur place, je cherche du boulot, aussi bien comme pilote que comme cadre de maintenance d’avions. Je reçois une fin de non recevoir, car présument-ils, je suis trop qualifiée », indique-t-elle. Elle n’a pas d’autres choix, elle décide alors de lancer sa propre affaire. Elle loue un hangar à l’aéroport, puis fonde sa compagnie le 1er juillet 2003. Tout son entourage s’inquiète à l’idée de la voir se lancer en solo. Il estime que c’est trop précipité. « Tout le monde a désapprouvé mon choix, prétendant que j’allais me casser la figure et fermer au bout de 3 mois », indique-t-elle aujourd’hui. Un conseil qu’elle n’écoute donc pas. Elle tient à une vie entrepreneuriale. Tanzanite Jet Center, c’est le nom de l’entreprise.

Après avoir lancé son entreprise, la chance commence à tourner. La toute nouvelle patronne est recommandée par un ami depuis l’Afrique du Sud. Elle va s’occuper de l’avion personnel de Jacob Zuma. Début en fanfare, surtout que tous les avions ou les contacts de l’ambassade sud-africaine en Tanzanie lui seront attribués. De fil en aiguille, elle s’impose, en dépit de la survivance des stéréotypes qui font des métiers de l’aviation, un secteur masculin. Tanzanite Jet Center, devenu entre temps Via Aviation, agrandit son portefeuille de clients. Ils sont chefs d’Etat, monarques, célébrités grands hommes d’affaires.

De l’entreprise aux entreprises

Susan Mashibe porte une vision solide et forte de son entreprise. « L’expansion de Via Aviation est non seulement bon pour moi, mais aussi pour l’ensemble de la Tanzanie. Quand j’ai commencé, j’étais déterminée à prouver que les entreprises africaines pouvaient être professionnelles, fournir un haut niveau de service dans cette industrie et combler une lacune dans les voyages privés aériens en Afrique. Avec la forte expansion économique du continent, les entreprises cherchent à étendre leurs investissements, même dans les endroits non desservis par des vols aériens réguliers. Cette solution de service était donc vitale », précise celle qui a également étudié le leadership dans les universités de Harvard et d’Oxford. Cette solution, entourée de professionnalise et de qualité, va séduire la cible. Grâce aux revenus générés (plus d’un million de dollars US de chiffre d’affaires annuel) par sa première affaire, la pilote et mécanicienne d’avion fonde une nouvelle entreprise spécialisée dans la logistique : Kilimajaro Aviation Logistic Center. Ce nouveau fleuron va très rapidement se distinguer dans son domaine, au prix d’audace et de persévérance.

Dans au domaine dominé par les hommes, la jeune femme va faire preuve de beaucoup de témérité. Le travail, l’expertise et le mérite vont lui permettre de s’imposer. Et malgré tout ce succès, elle n’a en rien modifié à ses habitudes et assume bien sa féminité : « Je suis très féminine, je porte mes talons, je fais mon maquillage et ainsi de suite, de sorte que quand un pilote fait l’inspection de son aéronef et me voit, il panique parce qu’il pense que je ne suis pas capable. Certains viennent même me suivre quand je travaille, mais ils changent vite au leadership établi, elle accumule les reconnaissances. Elle est régulièrement invitée dans les universités pour parler de sa vie et de son expérience. Bien entrée dans la quarantaine, la pilote et ingénieure reste confiante en l’avenir et demeure très discrète. Elle garde toujours sa joie et l’innocence d’un enfant lorsqu’on se sépare au Grand Hôtel & résidences de Dar-es-Salam : « j’ai réalisé mon rêve d’enfance en devenant chef d’entreprise ».

« En plus des vols privés de personnes célèbres comme Ophra Winfrey, elle a coordonné les vols de la campagne Ebola des Nations Unies et les vols de Airforce One du président Bush et Obama. » (Ndlr)

 

Source : businessmanagementafrica

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